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une description rapide. La Selléide, où s’était illustré Photos Tsavellas, est bornée à l’ouest par une contrée aussi riante que les rochers de Souli sont sauvages, coupée par de nombreux cours d’eau qui la fécondent, couverte de belles forêts, accidentée par de hautes et vertes collines. Cette contrée, que les Turcs appellent le Chamouri, comprend tout le pays entre la Thyamis et l’Achéron, depuis la mer de Corfou au sud jusqu’aux monts Olychiniens[1] au nord. La partie septentrionale du Chamouri s’appelait autrefois la Thesprotie ; celle qui avoisine la mer portait les noms de Cestrine et d’Aïdonie. De sombres traditions mythologiques consacrent l’Aïdonie ; c’est là que les anciens plaçaient le royaume de Pluton, et qu’on retrouve le fameux lac Achérusien, à quelques lieues au-dessus du port Glykys. Lorsqu’on remonte le cours de l’Achéron en sortant de ce port, on suit précisément l’itinéraire que parcouraient autrefois les théories de pèlerins qui allaient consulter en tremblant l’oracle de Dodone. Si, de ce même port Glykys, on longe les côtes de la mer dans la direction du midi, on entre dans le canton de Rogoux, désignation albanaise de l’ancienne Cassiopie. Ce pays est couvert de collines, dont quelques-unes offrent une assez riche végétation, et où les pâtres épirotes viennent passer l’hiver. Il est borné à l’est par l’Arachtus (aujourd’hui Lourcha), sur les bords duquel est construite la ville de Loroux, non loin de l’emplacement qu’occupait l’ancienne cité d’Ambracie, dont il n’existe plus que de méconnaissables vestiges. On passe de là dans la province d’Arta (ancienne Amphilochie), qui s’étend sur les rives du golfe Ambracique, en face de l’Acarnanie. Cette riche province forme une vaste plaine toute parsemée de prairies et de bois ; elle s’élève au nord jusqu’aux montagnes abruptes qui forment le défilé de Variadès et celui des Cinq-Puits, à huit lieues environ du golfe d’Arta. Ali-Pacha avait construit aux Cinq-Puits un caravansérail fortifié, et ce poste était un de ceux dont la possession importait le plus aux Souliotes, car il commande la route de Janina à la mer, et n’est séparé que par une courte distance des monts Djoumerca[2], refuge des klephtes les plus aguerris de l’Épire. Le voyageur qui redescend par ce défilé de la Selléide vers Arta jouit d’un panorama féerique, lorsque rien ne trouble la pureté de l’atmosphère : au premier plan se dressent les pics aigus, les sombres anfractuosités, les abîmes profonds et les hautes montagnes- de neige de Souli ; aux pieds du voyageur, la riante plaine d’Arta se déroule jusqu’à la mer, qui la

  1. Les monts Olychiniens (aujourd’hui Olytzika ) séparent le Chamouri de la Tymphéide, qui fait partie du canton de Janina, et où était située l’ancienne ville de Passaron.
  2. Les monts Djoumerca traversent l’Athamanie, qui porte aujourd’hui leur nom. Ils forment une chaîne à peu près parallèle à celle du Pinde, dont ils sont séparés par l’ancienne Dolopie.