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témoignage justifie le surnom de Léonidas qui lui fut donné. De tous les grands hommes de l’antiquité, ce dernier était en effet celui dont la gloire lui paraissait la plus digne d’envie ; il en parlait sans cesse, et aspirait à trouver pour lui-même de nouvelles Thermopyles et une semblable mort.

À un ardent patriotisme, à une intrépidité sans égale, Marc joignait une vive intelligence, une facilité de parole qui s’élevait sans effort à l’éloquence, une connaissance sérieuse de l’art militaire, et un violent amour de la renommée. Il se concilia l’affection de tous ceux qui l’approchèrent par la douceur de ses habitudes, et il mérita le respect public par l’intégrité de sa conduite et par son désintéressement. On peut dire que son existence fut aussi exempte de fautes que féconde en grandes actions. Un membre du comité hellénique de Londres, Edward Blaquières, qui fit de longs séjours en Grèce, parle ainsi de Botzaris, qu’il a connu[1] : « A part les avantages que donnent la science et l’éducation, Marc Botzaris était doué de toutes les vertus auxquelles l’homme peut atteindre, et elles étaient rehaussées en lui par une simplicité de caractère dont on ne retrouve l’exemple que dans les grands hommes de Plutarque. Dès ses jeunes années, il fut l’espoir et plus tard l’admiration de son pays, comme citoyen, comme patriote, comme soldat. »

Ainsi que la plupart des hommes de la race de Souli, Marc était petit, blond, agile et robuste, et, suivant la mode grecque, il portait de longs cheveux qui retombaient en boucles sur ses épaules. Sa physionomie offrait, comme son caractère, un heureux mélange de douceur, d’énergie et de hardiesse, et sa personne était douée de je ne sais quel charme qui subjuguait tous ceux qui l’approchaient. Botzaris fut un héros dans toute l’acception du terme. L’histoire, malgré la sévérité qui doit présider à ses recherches et conseiller ses jugemens, ne jette pas une seule ombre sur le romanesque éclat et l’intérêt touchant dont les poètes de la Grèce moderne ont entouré ce nom.

C’est en 1820 que Marc débarqua sur les côtes du Chamouri avec quelques centaines de Souliotes ramenés de l’exil. À cette époque, Ali-Pacha était bloqué dans Janina, bravant depuis près de douze années les sentences de mort prononcées contre lui par le sultan. Assiégé par une vingtaine de mille hommes sous les ordres du séraskier Ismaël, il se défendait avec toute la fureur du désespoir, et ne possédait plus guère que son château du lac et la montagne de Souli, où il avait fait construire une immense forteresse garnie de canons à la place de la faible tour de Kiapha. Marc Botzaris, en touchant le sol de l’Épire, n’avait d’autre pensée que de regagner

  1. Histoire de la Révolution actuelle de la Grèce, Leipzig 1825.