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donnerait au moins ses sympathies, si elle n’allait pas plus loin que le concours moral, à la cause de l’émancipation italienne qui se débat au, nord. Lors même toutefois que le royaume, des Deux-Siciles voudrait persister dans une stricte neutralité, nous ne croyons pas qu’il fût sage de chercher à l’en faire sortir violemment, et à ce point de vue nous accueillons avec plaisir l’espérance qui nous est donnée, que la France et l’Angleterre se concerteraient pour renouer, leurs relations diplomatiques avec Naples. — Sachons permettre à l’Italie, dans le travail de régénération pour lequel nous l’assistons, de conserver les différences caractéristiques qui la distingueront toujours. Qu’au nord, entre les pentes des Alpes et le bassin du Pô, s’organise un état militaire qui couvrira de son épée l’indépendance de l’Italie ; qu’au midi les Deux-Siciles avec le développement de leurs côtes et leurs populations maritimes, donnent à l’Italie l’activité commerciale et la force navale entre ces deux états, il y a place pour une autre agglomération politique, non-seulement pour la Rome des papes, dont nous n’avons pas besoin de parler, mais pour cette Italie qui est la vraie, disent les libéraux toscans, l’Italie de Dante, de Michel-Ange, de Galilée, et qui, suivant eux, doit, comme un centre nerveux, réunir les deux royaumes du nord et du midi de l’Italie affranchie.

À côté des difficultés italiennes, qui ne seront point médiocres, peuvent se produire des incidens souhaités par quelques-uns comme des diversions fatales à notre ennemi, mais que pour notre compte nous regarderions comme un obstacle sérieux au succès de la cause italienne. Tels seraient par exemple les mouvemens de Hongrie, dont M. Kossuth vient de montrer la perspective devant plusieurs meetings en Angleterre. M. Kossuth a parlé, comme il fait toujours, de son pays avec une éloquence lyrique et une sensibilité pénétrante. Pour un auditoire d’Anglais, il a un autre mérite : c’est de parler leur langue avec une abondance merveilleuse et une sorte de grâce archaïque qui charme les lettrés ; mais M. Kossuth ne s’est point approprié, avec la langue de Shakspeare, le bon sens pratique des contemporains de John Bright. Nous n’aurions qu’à souscrire aux conseils qu’il donne aux Anglais, car il leur prêche la neutralité ; mais nous ne pouvons le remercier du concours qu’il semble vouloir nous donner en tentant des soulèvemens en Hongrie. Nous croyons, pour notre part, que tout ce qui ajoute des complications aux entreprises militaires et politiques en compromet la réussite ; nous croyons qu’allumer l’incendie aux quatre coins de l’Europe, au moment où nous demandons à l’Europe de faire la part du feu en le concentrant en Italie, serait une contradiction qui perdrait peut-être la cause italienne ; nous croyons enfin que, s’il est de l’intérêt de la France que l’Italie soit indépendante, il n’est point pour cela de son intérêt que la monarchie autrichienne soit détruite. Nous remporterions contre l’Autriche un triomphe qui nous coûterait trop cher peut-être dans l’avenir, si la guerre actuelle avait un tel résultat. Nous paierions la dissolution de l’Autriche d’un agrandissement inévitable de la Russie et d’une concentration politique de l’Allemagne, et nous aurions remplacé une puissance qui, faute de cohésion, n’a pas une force agressive, redoutable par deux rivaux compactes et entreprenans, contre lesquels l’Autriche peut nous servir de barrière. Au nom même de cette cause des nationalités malheureuses dont il est le