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de Mortara sur Pavie, et l’avait envoyé tâter, le 20, les avant-postes de l’armée française à Montebello. S’il fallait prendre au sérieux l’étrange rapport du général Giulay sur l’affaire du 20 mai, s’il a cru en effet que le général Stadion a eu sur les bras 40,000 alliés, s’il a pensé, en conséquence que c’est entre Pavie et Plaisance qu’il devait être attaqué par nous ; si c’est par suite de cette appréciation qu’il a affaibli sa droite au point de laisser filer Garibaldi du Lac-Majeur au lac de Côme, les mouvemens actuels de l’armée alliée doivent aujourd’hui l’éclairer sur une erreur qui a déjà produit pour lui de graves résultats militaires et politiques, puisqu’elle l’a entraîné à se laisser déborder par les corps francs et par l’insurrection dans la Haute-Lombardie. Les mouvemens de l’armée piémontaise sur Palestro et de l’armée française allant passer le Pô à Casale indiquent que c’est vers Mortara que les Autrichiens devront accepter une bataille, si tant est qu’ils consentent à en livrer une en Piémont. Il ne faut pas se dissimuler au surplus que la position de leurs troupes sur ce point, en face d’une attaque concentrique, serait loin d’être désavantageuse. Une grande bataille est donc possible avant peu : d’une part l’ébranlement de toute notre ligne, de l’autre l’arrivée de l’empereur François-Joseph et du général Hess au quartier-général autrichien, annoncent que cette éventualité est imminente.

Le beau combat du 20 mai a clos, disions-nous, la période de préparation de la campagne. La division française qui l’a victorieusement soutenu n’a pas eu seulement le mérite d’arracher à un ennemi plus nombreux l’importante position de Montebello ; elle a encore rendu un service éminent, si elle a effectivement donné par sa bravoure le change à l’ennemi sur sa force numérique et par conséquent sur nos vrais desseins, et si elle l’a ainsi entraîné à de fausses dispositions qui ne tarderont point à se révéler. Quoi qu’il en soit, le nouveau combat de Montebello est un heureux début de campagne. Pour en comprendre la valeur à tout événement, il faut se rendre compte de l’importance du débouché du val de la Scrivia parmi les positions stratégiques de la Haute-Italie. Il s’y trouve une suite de positions militaires formidables, déterminées par une multitude de petits cours d’eau qui viennent des Apennins, et se jettent dans le Pô entre Valence et Plaisance. Les années qui descendent ou qui remontent la vallée y peuvent asseoir fortement leurs deux extrémités au fleuve et aux derniers contre-forts des Apennins. De ces positions, les plus importantes sont celles de Novi et de Montebello. Celle de Novi, pour une armée qui a en Piémont sa base d’opérations, est essentiellement défensive, car elle couvre, au pied du Monte-Rotondo, l’intersection des routes qui joignent Gênes et Savone à Turin. Celle de Montebello est au contraire essentiellement offensive, car c’est par là qu’il faut passer soit que, débouchant de la Trebbia, on menace la Scrivia, soit que l’on fasse le mouvement inverse. La position de Montebello n’est cependant point la seule dans son genre que l’on rencontre sur cette route. Entre la Scrivia et la Trebbia, dans la direction du sud au nord, les Apennins projettent cinq ou six chaînes de collines presque parallèles, que l’on pourrait comparer aux doigts d’une main gigantesque étendue sur la plaine. Ces collines s’abaissent par degrés jusqu’aux environs de Montebello, Casteggio, Santa-Giuletta, Cassine, Broni, Stradella, où les derniers mamelons viennent s’enfoncer dans la plaine par des pentes assez raides. La grande route de Tortone à Plai-