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l’initiative de ce grand conflit. Elle a justifié ceux qui trouvaient dans la fatalité de sa situation les raisons les plus fortes de croire à la guerre. La France aurait pu s’arrêter à plus d’un moment. Les propositions mêmes qui devaient former la base des délibérations du congrès n’avaient rien que d’avantageux pour l’Italie. Ce qui serait sorti de ce conseil européen eût été sans nul doute un progrès. Pour l’Autriche au contraire, c’était inévitablement un échec partiel, une retraite obligée de sa politique devant les nécessités européennes. La cour de Vienne voyait bien que, dans cette délibération près de s’ouvrir, elle n’obtiendrait pas et ne pouvait obtenir l’appui de l’Angleterre pour maintenir des traités qui assuraient sa prépondérance en Italie, pour réduire au silence le Piémont libéral. Considérez un autre fait : depuis longtemps, la domination impériale au-delà des Alpes se sent atteinte, diminuée dans son prestige ; ce n’est point par des moyens moraux qu’elle peut se relever ; poussée à bout, c’est par la guerre qu’elle cherche à se raffermir et à rétablir un ascendant ébranlé. Dernière raison enfin : par tous les périls qui la menacent sans cesse en Italie, l’Autriche est contrainte à des armemens immenses ; ces armemens épuisent ses finances déjà si délabrées, et c’est ainsi que par la fatalité de sa situation, par les entraînemens de sa politique, par l’épuisement même de ses finances, l’Autriche a été conduite à se jeter dans la guerre, jouant pour un raffermissement douteux les droits de possession territoriale que lui assignaient des traités désormais livrés au sort des armes, et élevant elle-même la question de l’indépendance complète de l’Italie.

Et maintenant à considérer cette lutte dont on ne peut pas plus se dissimuler la grandeur que les difficultés, à la considérer dans son origine comme dans ses élémens propres, on voit d’où elle vient, on voit où elle va. Dans le principe, tant qu’elle ne sort pas de la sphère diplomatique, c’est une question de réformes, d’améliorations, d’organisation des états indépendans que les traités ont reconnus souverains, et qui n’ont eu jamais de la souveraineté que le nom. Par l’agression subite de l’Autriche contre le Piémont, le but change ou s’agrandit et s’élève : c’est l’indépendance de l’Italie qui devient le dernier mot de la guerre. Est-ce à dire que cette indépendance italienne soit une perturbation de l’ordre moral en Europe et de tous les droits fondés ou sanctionnés par de solennelles transactions ? Parce que Garibaldi est dans notre camp, où il se conduit d’ailleurs en vaillant soldat, cela signifie-t-il que nous soyons passés de l’autre côté des barricades de Rome ? Parce que les traités sont suspendus sur les rives du Pô, le sont-ils également sur le Rhin et dans l’universalité du monde, de telle sorte que les perplexités de l’Europe, les agitations de l’Allemagne doivent se changer nécessairement en une intervention active pour garantir les droits généraux