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l’inexpérience même du jeune prince pour discréditer ses actes. L’archiduc Maximilien était annulé par la bureaucratie et par les généraux, si bien qu’il partait un jour de 1858 pour Vienne, afin de régulariser une situation où sa dignité souffrait. Ici encore il y eut une lueur passagère. Le voyage de l’archiduc eut pour effet un rescrit impérial du mois de juillet 1858 qui promettait encore des améliorations. Ces promesses étaient illusoires. Peu après, une décision du ministre des finances frappait d’une augmentation les principales contributions. Une nouvelle loi de recrutement annoncée comme un bienfait n’était qu’une aggravation de l’ancienne loi. La transformation de la monnaie était combinée de telle façon qu’elle pesait particulièrement sur le peuple.

C’est alors, sous le coup de ces lourdes mesures, que l’agitation devenait extrême dans la Lombardo-Vénétie. L’Autriche elle-même s’en préoccupait vivement. Elle sentait si bien trembler son pouvoir qu’elle usait de tous les moyens. Elle imaginait d’imposer à ses employés un serment d’un nouveau genre et d’une nature étrange : elle leur faisait jurer qu’ils n’appartenaient à aucune société secrète, à aucune secte révolutionnaire, ce que tous les employés jurèrent sans nul doute. Un personnage qui avait toute raison de tenir aux intérêts de la maison d’Autriche, et qui avait un rôle dans les affaires de la Lombardie, disait à cette époque : « Les ministres de l’empereur font mieux les affaires du Piémont que M. de Cavour. » On arrivait dans ces conditions aux derniers jours de 1858. Les maîtres de la Lombardie n’avaient pas su prévenir par un régime mieux calculé et plus doux une agitation d’autant plus dangereuse qu’elle était universelle et insaisissable, et cette agitation une fois produite, ils avaient recours à leur moyen habituel : l’Autriche se mettait en défense, elle armait ses forteresses, elle appelait déjà de nouveaux soldats. C’est à ce moment que peuvent se rattacher les premiers armemens autrichiens.

Ainsi, par une politique de prépondérance qui n’avait rien de nouveau, il est vrai, mais dont les désastreux effets se faisaient sentir partout, l’Autriche était insensiblement arrivée à créer une situation où elle réglait le mouvement de l’Italie, où rien n’était possible que par elle, et ce système mettait doublement en jeu les intérêts de l’Europe, parce qu’il était contraire au droit public, et parce qu’il ne profitait qu’aux passions révolutionnaires en fermant l’issue à toute réforme d’un libéralisme modéré. D’un autre côté, les relations troublées et inquiétantes de la cour de tienne et du cabinet de Turin laissaient la porte toujours ouverte à des incidens qui pouvaient intéresser singulièrement la politique de la France. Enfin l’agitation de la Lombardie survenant au milieu de l’hostilité