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et avec cet état l’Autriche était en rupture ouverte. À vrai dire, ce fut une faute grave du cabinet de Vienne de rompre ainsi diplomatiquement, il y a deux ans, avec le Piémont, pour des causes légères, et cette faute n’a peut-être pas été étrangère au développement de la querelle actuelle. Ce n’était pas la presse piémontaise qui pouvait effrayer l’Autriche, quoique ce fût un des prétextes ; on ne lisait pas les journaux de Turin en Lombardie. L’Autriche cédait à un mouvement d’humeur dangereuse ; elle souffrait dans son orgueil de s’être vue en présence du Piémont dans le congrès de Paris ; elle s’irritait de l’attitude de ce petit pays, qui seul lui résistait en Italie et tenait en échec sa politique. Elle ne vit pas que, par une rupture des relations diplomatiques, elle laissait le Piémont plus libre : elle le dégageait de ces considérations qui s’imposent d’elles-mêmes aux états qui vivent en rapports réguliers ; enfin elle donnait l’authenticité de sa mauvaise humeur à un antagonisme qui relevait le rôle du Piémont en Italie. Dès lors, le gouvernement piémontais pouvait arborer plus nettement sa politique italienne. C’est par le Piémont surtout qu’ont été divulgués en Europe tous ces empiétemens dont se compose la politique semi-séculaire de l’Autriche au-delà des Alpes, et c’est ainsi que, sans qu’il y eût agression matérielle, les rapports des deux pays se sont progressivement envenimés, ajoutant un élément de plus à cette question italienne qui grossissait.

La situation du royaume lombard-vénitien s’aggravait de jour en jour d’un autre côté. Les révolutions de 1848 auraient dû éclairer l’Autriche et lui révéler l’impossibilité de s’attacher ses provinces italiennes uniquement par la force et par tous les procédés du régime militaire. Bien loin de renoncer à ce système ou de l’adoucir, elle ne vit plus qu’en lui sa sauvegarde ; elle l’étendit, et elle y ajouta le poids progressivement alourdi de toutes les charges matérielles, emprunts forcés, contributions nouvelles, augmentation des taxes anciennes. De là un mécontentement profond étendu des classes supérieures aux classes agricoles elles-mêmes. Un instant cependant l’Autriche parut vouloir adoucir sa politique dans les provinces italiennes. C’est alors que l’empereur François-Joseph allait à Milan, que l’archiduc Maximilien devenait gouverneur-général de la Lombardo-Vénétie à la place du maréchal Radetzky. Des amnisties étaient promulguées, de nombreuses promesses semblaient ouvrir un régime nouveau. L’illusion ne dura pas longtemps. L’archiduc Maximilien, qui avait l’intention du bien et de la conciliation, et à qui on en savait gré, vint se heurter contre les traditions d’une bureaucratie routinière et violente qui ne dissimulait nullement son mauvais vouloir à l’égard du nouveau gouverneur, et qui abusait de