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ont pénétré en Lombardie. Quelques paroles de pitié pour les souffrances de l’Italie et de blâme pour ceux qui les causent sont tombées du haut d’un trône. Chacun s’est ému.

Quand donc de semblables paroles avaient-elles été entendues? Ces paroles n’avaient certainement pas été prononcées au hasard. Les Italiens les ont répétées et commentées. Parmi les exilés, l’espérance a remonté les cœurs, presque tous ont quitté leur asile, abandonné leurs affaires, et sont allés se mettre à la disposition du seul état d’Italie qui représente l’indépendance et la liberté. Paolo a fait comme les autres : il a interrompu ses voyages, et il s’est rendu en Piémont, où il a passé quelques mois dans les alternatives de l’enthousiasme et du découragement. Il y a retrouvé tous ses anciens amis et ses frères d’armes du Tyrol. Il y a rencontré aussi ce chef à l’éclatant prestige, aux entreprises heureuses, qui, toujours placé au plus fort de la mêlée, n’a jamais été atteint par les armes ennemies : personnage héroïque qui semble échappé d’un autre temps. Autour de Garibaldi se groupaient déjà ceux qui l’avaient connu jadis, et ceux qui par leur âge ne pouvaient être admis dans les troupes régulières du Piémont. Paolo s’est présenté au général, qui l’a reconnu et attaché à son état-major.

Filippo a rejoint son frère aussitôt qu’il a reçu la nouvelle de son arrivée en Piémont. Quelques semaines plus tard, Orazio, ayant triomphé de sa propre hésitation, a quitté la ferme et s’est engagé avec ses frères. Où sont-ils tous aujourd’hui? Qui le sait?

Pietro, lui, est resté à la ferme, époux et père, chargé d’autres intérêts que les siens propres : il ne quittera pas la terre que son maître lui a confiée; mais il est des services qu’il pourra rendre à son pays ailleurs qu’à la guerre, et il ne faillira pas à son devoir. Cesare s’étonne de ne plus entendre parler de république. Il s’était posé en adversaire des républicains, et il ne sait plus maintenant quels sont ses amis ou ses ennemis. Quant à Rachel, elle s’informe avec anxiété des progrès de Garibaldi; mais ses deux beaux-frères ont une part à peu près égale dans son inquiétude. A l’entendre, tous les bons citoyens ne doivent pas aller à la guerre, et il est bon que quelques-uns survivent pour les beaux jours de la paix.


CHRISTINE TRIVULCE DE BELGIOJOSO.