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celle de ton fiancé; vous serez ensuite aussi près d’être mari et femme que cela est possible avant le sacrement. Approche donc, et ne pleure pas. C’est un consolateur que je te donne, et c’est aussi une consolation que je prépare à mon fils bien-aimé.

Rachel était près de s’évanouir; refuser son oncle dans un moment pareil était impossible, et se soumettre, c’était le sacrifice de toute sa vie et de ses plus chères affections. Elle se traînait lentement vers le lit du mourant, plus pâle et plus tremblante que si elle marchait à la mort, se recommandant à Dieu du fond du cœur et ne sachant comment formuler sa prière. Lorsque son oncle l’eut prise par la main, il se tourna vers son fils en disant : — Pourquoi cette lenteur, Pietro? Est-ce ainsi que tu te conformes à la dernière volonté de ton père, et que tu reçois de sa main une épouse jeune, belle, digne d’occuper la place que ta mère a si bien remplie? Que signifie ceci? pourquoi cette enfant tremble-t-elle, et pourquoi es-tu si pâle? N’approuverais-tu pas mon choix?... Mais je n’ai plus le temps d’en faire un autre!...

— Mon père, dit enfin Pietro, dont le visage trahissait une émotion douloureuse; mon père, votre volonté est sacrée pour nous tous, et dans ce moment il n’est personne ici qui puisse seulement songer à y résister. Pour moi, non-seulement je suis décidé à vous obéir, mais je veux encore vous exprimer toute ma reconnaissance, car, je vous le dis du fond du cœur, votre choix est conforme au mien, et Rachel est la seule femme que je puisse aimer comme vous avez aimé ma mère. Soyez donc tranquille, votre volonté sera faite, et vos enfans seront heureux; mais voyez comme ma cousine est agitée! Permettez-lui de se retirer : elle peut à peine se soutenir.

Tout en parlant, Pietro passait son bras autour de la taille de sa cousine et la conduisait vers la porte. — Ah! Pietro, murmura Rachel toute tremblante, comment te remercier? Pourquoi n’ai-je pas été plus confiante? pourquoi n’ai-je pas, il y a longtemps, tout avoué à mon oncle?

— Calme-toi maintenant; nous reparlerons de tout cela plus tard. Puisse notre père n’emporter aucun regret avec lui! C’est à présent mon seul désir.

Rachel sortie, Pietro revint prendre sa place au chevet de son père, qui le regarda pendant quelque temps avec des yeux inquiets; mais bientôt arriva le curé, qui ne quitta plus son pénitent. Les sacremens lui furent administrés; on alluma de petites lampes devant différentes images de saints et de saintes qui passent dans les campagnes lombardes pour exercer une singulière influence dans certains cas de paralysie. On plaça sur la poitrine et sur le front de l’agonisant des reliques de quelques autres saints; puis toute la famille agenouillée s’unit au prêtre et répondit aux prières pour les