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— Amis, amis! ouvrez vite.

— Qu’y a-t-il à cette heure? dit la jeune fille en se tenant de côté près de la fenêtre qu’elle venait d’entr’ouvrir, comme si elle eût craint l’attaque nocturne d’une Lande de brigands. Que voulez-vous? Ne peut-on laisser le pauvre monde dormir en paix?

Pendant que l’entretien se continuait ainsi, Pietro se glissa sans bruit près de Rachel, et lui dit tout bas : — Ils sont partis sans avoir été aperçus. Que veulent ces gens?

— C’est la police, répondit Rachel du même ton de voix et en recommandant du geste le silence.

— Ouvrez, ouvrez donc! répétaient les gendarmes.

— Mais que voulez-vous? dit encore Rachel; on n’ouvre pas ainsi la porte d’une ferme isolée à pareille heure de la nuit à des gens qu’on ne connaît pas. Bien des fermiers ont payé de leur vie une semblable imprudence.

— Ne craignez rien, ma belle enfant, dit l’un de ces hommes avec une voix qu’il s’efforçait de rendre mielleuse; nous sommes d’honnêtes gens qui venons au nom de son excellence le directeur de la police pour nous assurer qu’aucun malfaiteur n’est caché ici.

— Si vous appartenez à la police, reprit Rachel, vous avez des papiers qui le prouvent?

— Sans doute, nous sommes parfaitement en règle, et vous n’avez qu’à ouvrir pour vous en convaincre.

— Ce n’est pas moi qui prendrai cette responsabilité. Je m’en vais réveiller mon cousin Pietro, qui, en l’absence de son père, est le maître ici, et il verra ensuite ce qu’il devra faire.

— En l’absence de son père, dites-vous? Est-ce que le signor Stella n’est pas à la ferme?

— Non, monsieur.

— Voilà qui est extraordinaire! Et quand est-il parti? Il était ici positivement ce même jour à midi.

— Il est parti il y a quelques heures.

— Et pourquoi?

— Un passant lui a dit qu’il y avait trois belles vaches à vendre à je ne sais plus quel marché demain matin. Mon oncle, qui se proposait d’aller un de ces jours en Suisse pour acheter du bétail, a pensé qu’il pourrait se dispenser de ce voyage en se rendant à ce marché, et il est parti sur-le-champ.

— Est-il parti seul?

— Mon cousin Orazio est avec lui.

Cette conversation était pleine d’intérêt pour les agens de la police, qui, croyant avoir affaire à une jeune fille réveillée en sursaut, espéraient lui arracher des aveux avant qu’elle eut concerté ses ré-