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sont aussi propres que lui à la place qu’ils occupent. » Peu connu aujourd’hui, Broussonnet était alors très estimé pour ses études sur l’histoire naturelle. Après un séjour de trois ans en Angleterre, il avait été nommé membre étranger de la Société royale, titre fort peu prodigué dans tous les temps. Outre ses autres écrits, il a publié l’Année rurale, calendrier du cultivateur, qui a eu depuis de nombreux imitateurs, entre autres l’excellent Calendrier de Mathieu de Dombasle. La vie de Broussonnet, qui commençait avec tant d’éclat, a. été fort agitée. Il émigra pendant la terreur en Espagne et en Portugal, rentra en France après sa radiation, fut nommé successivement consul aux Canaries et professeur de botanique à Montpellier, sa patrie ; il mourut en 1807 membre du corps Législatif. Cuvier a fait son éloge à l’Institut.

Ainsi reconstituée, la Société d’Agriculture publia en 1785 le premier volume de ses nouveaux mémoires. L’année ayant été généralement sèche et peu productive en fourrages, ce volume était plein de recherches sur les moyens de suppléer à cette disette. Parmentier recommandait, dans un mémoire spécial, la culture du maïs pour fourrage ; le baron de Servières indiquait les meilleurs moyens de conserver les feuilles des arbres et de les faire manger aux bestiaux ; le maître de poste de Saint-Denis racontait comment il avait nourri ses chevaux avec de la paille hachée et un peu d’avoine et d’orge écrasés à la meule. Ne croirait-on pas lire les instructions publiées cette année même, dans un cas analogue, par toutes les sociétés d’agriculture ? Le plus important de ces travaux était la notice consacrée par le secrétaire perpétuel Broussonnet à la culture du turneps. Une enquête ouverte par l’intendant avait démontré que cette racine, dont les merveilleux produits commençaient à frapper tous les esprits en Angleterre, couvrait à peine quelques centaines d’arpens dans la généralité de Paris. L’intendant avait fait venir des graines d’Angleterre pour les distribuer aux cultivateurs, et Broussonnet avait rédigé une instruction complète sur la manière de les cultiver. Il serait assez curieux d’examiner pourquoi ces efforts n’ont pas eu plus de succès. La culture du turneps, si florissante en Angleterre, n’a jamais pu s’étendre en France.

Au mois de février 1786, le roi et la reine voulurent bien accepter l’hommage de ce premier volume, qui leur fut présenté par le contrôleur-général des finances, en même temps que le jeton d’or de la société. Voici l’histoire de ce jeton, mince détail en apparence, mais qui ne laisse pas d’avoir son intérêt. Sur la proposition de la société, appuyée par l’intendant Berthier de Sauvigny, Louis XVI avait décidé qu’un certain nombre de vaches seraient données tous les ans aux cultivateurs peu aisés de la généralité de Paris. Pour