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M. Landelle traite les sujets religieux, et le Pressentiment de la Vierge autorise suffisamment nos reproches : on ne saurait être aussi sévère pour les mignonnes séductions de ce pinceau lorsqu’il retrace l’image des personnages contemporains, et qu’il prend pour modèles non pas des paysannes italiennes, comme les Deux Sœurs, — ici la coquetterie est peu de mise encore, — mais des femmes parisiennes. Les portraits qu’a peints M. Landelle se recommandent par l’agrément et, dans un certain sens, par le charme de l’exécution. Comme les portraits de M. Edouard Dubufe, ils ont une élégance qu’on sera d’autant moins tenté de méconnaître que cette élégance est d’un caractère tout actuel ; mais aussi M. Landelle est bien près quelquefois de confondre la gentillesse avec la grâce, l’adresse de la pratique avec la science, et l’intelligence de la mode avec le sentiment de la vraie distinction.

On ne refusera pas assurément à M. Ricard l’habileté matérielle ni la volonté de varier l’aspect et la signification de ses portraits : il faut avouer toutefois que cette habileté dégénère souvent en dextérité pure, que cette application à rechercher la nouveauté des procédés et de l’effet aboutit en plus d’une occasion à la méprise et à la bizarrerie. Le portrait en pied d’un jeune homme en costume de chasse est un exemple, entre autres, des erreurs où M. Ricard peut tomber sur ce point. — Rendons, en finissant, la justice qu’ils méritent aux agréables portraits peints par MM. Barrias et Bouguereau, et aux remarquables portraits dessinés par M. Tourny.

Dans cette revue des tableaux et des dessins que renferme le Salon, nous n’avons pas prétendu nommer tous les travaux dignes d’éloges. Nous n’avons rien dit par exemple des spirituelles aquarelles de M. Eugène Lami pour l’illustration des œuvres d’Alfred de Musset ; nous n’avons parlé ni du Moïse secourant les filles du sacrificateur de Madian, par M. Lenepveu, ni des intérieurs de M. Bonvin, ni de beaucoup d’autres toiles estimables à divers titres. Le plan de ce travail nous commandait de choisir les spécimens les plus significatifs, soit par leurs qualités, soit par leurs défauts, des doctrines diverses qui partagent l’école contemporaine, et de résumer en quelques exemples l’état actuel de l’art français. C’est pour cela que nous avons passé sous silence certaines œuvres tout aussi bonnes, quelquefois même meilleures intrinsèquement, que telles autres dont nous nous sommes occupé, parce que celles-ci pouvaient faire pressentir les caractères d’un talent nouveau ou des tendances communes à tout un groupe. C’est pour cela aussi que nous avons cru devoir nous abstenir d’appréciations sur les tableaux appartenant aux écoles étrangères, bien que plusieurs de ces toiles aient leur genre de mérite et leur valeur. Ainsi l’on ne saurait méconnaître