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est prise aujourd’hui en France ; on sait quels progrès se sont accomplis au point de vue de la vérité matérielle, mais aussi à quels sacrifices on s’est résigné d’autre part. Ce que l’on appelait autrefois le paysage historique est dès longtemps passé de mode, et il faudrait le regretter médiocrement, si, à force de réagir contre le style académique, on n’en était venu à supprimer à peu près le style lui-même ; si, après avoir relégué parmi les vieilleries hors d’emploi les sites et les héros de la Grèce ou de Rome, on n’avait singulièrement exagéré l’intérêt que méritent d’autres sites et d’autres héros. Notre école de paysage avait grand besoin de se retremper dans l’étude du vrai et dans l’imitation loyale ; le moment était arrivé de renoncer aux patrons traditionnels pour tailler soi-même sa besogne en face de la nature. Rien de mieux ; mais maintenant que la révolution est achevée, maintenant que nous voilà bien dégagés de l’art factice et conventionnel, est-il fort nécessaire d’insister autant sur la poétique modeste qu’il s’agissait d’abord de faire prévaloir ? Assez de campagnes héroïques, de temples et de dryades ! s’écriait-on il y a trente ans. On aurait le droit de répondre aujourd’hui : Assez de pâturages normands, de cours de ferme et de gardeuses de dindons ; assez de ces motifs de rencontre qui n’ont d’autre objet, d’autre signification, d’autre charme que la reproduction littérale de la réalité ! Ceci soit dit d’ailleurs pour quelques disciples obstinés de cette théorie matérialiste de « l’art pour l’art » que l’on prêchait vers 1830, et non pour ceux qui, tout en copiant fidèlement la nature, ne se croient pas dispensés du devoir d’en choisir les aspects.

Les témoignages sont nombreux au Salon de cette manière, en quelque façon tempérée, où l’imitation du fait s’allie à l’expression du goût personnel. Nous ne parlons pas des paysagistes dont le talent est depuis longtemps apprécié ; nous ne nous arrêterons pas même aux erreurs actuelles de quelques-uns d’entre eux, — de M. Troyon par exemple, qui traite aujourd’hui les sujets les moins grandioses dans le style et presque dans les dimensions de la peinture de décors, — de M. Rousseau, qui, à force de se préoccuper des tons de détail, en est venu à procéder invariablement par petites touches, juxtaposées comme des points de tapisserie. Ce qu’il importe surtout de rechercher, ce sont les talens nouveaux, les œuvres décelant des tendances originales, tout en conservant le caractère de véracité commun aux productions de l’école moderne.

Parmi les tableaux de paysage qui se recommandent à ce titre, les Landes de M. Busson méritent certes d’être signalées. Rien que de parfaitement conforme à la nature dans cette scène paisible où le jour bas et venant du fond glisse sur les terrains et en éclaire doucement les saillies, mais aussi rien que d’imprévu dans le choix d’un