Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caractère aussi net que la tête de la petite fille dans les Cervarolles, d’un dessin aussi précis que le bras gauche et la main de la jeune femme représentée dans le même tableau portant un vase de cuivre sur la tête. Pourquoi faut-il que le visage de cette femme soit modelé avec une indécision telle qu’il ne laisse rien pressentir de la construction intérieure, et que la mollesse du pinceau et du coloris vienne, là comme ailleurs, appauvrir l’expression ? L’aspect général du tableau est au reste attrayant, quoique la recherche du procédé matériel, trop évidente dans quelques parties, dans les rochers par exemple, déconcerte un peu le regard et nuise au relief d’objets plus intéressans. Peut-être aussi n’était-il pas bien nécessaire de traiter dans des dimensions aussi vastes ce sujet, qui n’en est pas un ; peut-être la familiarité même d’une scène composée seulement de trois figures en devoir de puiser ou de porter de l’eau excluait-elle ces proportions héroïques. On ne saurait toutefois faire de cette question un reproche formel à l’adresse de M. Hébert. Une petite toile, véritablement faible, que l’on voyait au Salon dernier, les Fienarolles, et cette année même un autre petit tableau, Rosa Nera à la fontaine, prouvent que le pinceau de M. Hébert a besoin de s’exercer sur un champ un peu large pour donner la mesure de son habileté.

Les qualités et les défauts, du peintre des Cervarolles se retrouvent dans le portrait de femme qu’il a exposé. Tout dans cet ouvrage laisse soupçonner des aspirations distinguées ; rien de définitif n’y apparaît, rien de tout à fait voulu ni d’affirmé. Le style a de l’élégance, mais cette élégance un peu molle qui avoisine la langueur ; le dessin est souple et le ton harmonieux, mais on ne reconnaît là ni la main convaincue d’un dessinateur, ni la main passionnée d’un coloriste. On peut dire en général du talent de M. Hébert que, s’il est loin de manquer de charme, il manque d’accent et de caractère précis, et que ce charme même, suffisant pour assurer à l’artiste une place d’élite parmi les talens contemporains, est à la savante grâce des maîtres ce que l’agréable est à l’exquis, ou l’adresse de la mise en œuvre à l’expression d’un sentiment profond.

La mort enlevait récemment un artiste qui avait, comme M. Hébert, rencontré de bonne heure et presque au début le succès populaire. M. Bénouville, le peintre de Saint François d’Assise bénissant sa ville natale y était, lui aussi, l’un des mieux intentionnés entre ceux qui s’efforcent de résister aux entraînemens matérialistes de l’art moderne. S’il n’avait pas la forte organisation d’un maître, il avait le goût pur, la main savante et ferme d’un disciple de la bonne école. Quoique les tableaux signés de son nom qui figurent au Salon de 1859 nous semblent devoir laisser au Saint François une importance principale dans la trop courte carrière de l’artiste,