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médiocrement conformes aux traditions sévères de la peinture religieuse, et comme le désir d’ajuster un aussi grand sujet aux proportions du goût moderne. Si M. Hébert doit se prémunir contre une tendance dangereuse pour son talent, c’est précisément contre un sentiment timide, contre des inclinations flottantes qui pourraient dégénérer en scepticisme formel. M. Hébert appartient à cette classe d’artistes dont l’intelligence, plutôt délicate que puissante, plutôt prudente qu’inspirée, craint à la fois de se fourvoyer en s’aventurant dans les innovations, et de tomber dans les redites en procédant comme les maîtres. De là, dans les ouvrages du peintre de la Mal’aria une manière un peu effacée, des expressions un peu chétives : grâce de l’à-peu-près, charme équivoque, qui résulte d’une correction presque négative et d’une adroite indécision.

On sait que le pinceau de M. Hébert s’est voué exclusivement à la peinture des sujets italiens modernes ou plutôt à la représentation de certaines pastorales italiennes où les femmes seules doivent figurer, car ce pinceau, agréable avant tout, n’oserait aborder les formes viriles. Il n’a garde même d’interpréter dans le sens de la grandeur et de la force les types spéciaux qu’il a choisis. Ne cherchez ici ni la beauté robuste des paysannes peintes par M. Schnetz, ni la noblesse et l’élévation de style que Léopold Robert savait rencontrer en face des mêmes modèles. Tout en respectant pieusement le caractère des ajustemens, des haillons même qu’il a sous les yeux, tout en s’efforçant de conserver aux filles d’Alvito ou de la Cervara quelque chose de la physionomie sauvage qui leur est propre, M. Hébert travaille avec un soin non moins scrupuleux à donner au tout une signification en rapport avec nos habitudes civilisées. Il francise, si l’on peut ainsi parler, ses modèles, non pas en les travestissant à la manière des peintres du XVIIIe siècle, qui enjolivaient les scènes rustiques avec des coquetteries empruntées au théâtre, mais en les mettant au niveau de notre goût pour une autre sorte de joli : — la menue mélancolie et la grâce maladive. Suit-il de là que le talent de M. Hébert soit sans valeur et sans portée sérieuses ? Telle n’est pas notre pensée. Ce talent n’eût-il d’autre mérite que d’attester une sincère aversion pour les intentions vulgaires, pour les formes d’expression banales, il faudrait en tenir compte dans l’histoire de l’art contemporain, et lui reconnaître, à défaut d’autorité magistrale, une véritable opportunité. D’ailleurs, bien que les tableaux exposés cette année par M. Hébert n’offrent encore qu’une sorte de compromis entre la volonté personnelle et les influences extérieures, bien que l’élégance du style n’y soit que trop souvent achetée au prix de la franchise et du naturel, on y trouve çà et là plus de fermeté que dans les travaux précédens de l’artiste. Nous ne croyons pas que M, Hébert ait peint jusqu’ici des morceaux d’un