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d’un autre, telle scène de la Passion que nous voyons en réalité pour la première fois semble avoir déjà passé sous nos yeux, tant les procédés de composition sont uniformes et les moyens d’exécution surannés. Plus d’une production sans doute se recommande par une certaine expression de convenance, on dirait presque d’honnêteté, dans le style ; mais il en est des principes en vertu desquels de pareilles œuvres sont conçues et exécutées comme des recettes fournies par la rhétorique en matière littéraire. Rien de plus légitime que de profiter de celles-ci, à la condition pourtant de ne pas en substituer l’emploi au travail même de la pensée. Dans beaucoup de tableaux religieux, les images sont à peu près exactes, les lois de la syntaxe respectées ; nulle faute considérable, nul indice absolu d’ignorance, mais aussi nulle trace d’inspiration. On ne saurait parler plus correctement : le malheur est seulement qu’on parle pour ne rien dire, et qu’en menant à fin ces sortes de sermons pittoresques, les artistes semblent avoir songé bien plutôt à s’acquitter d’une tâche oratoire qu’à plaider avec une foi sincère la cause de Dieu et de la religion. De là l’indifférence où nous laissent à chaque Salon les compositions sur des sujets sacrés, de là aussi certaines injustices involontaires envers quelques œuvres perdues au milieu de ces œuvres banales, dont elles s’isolent cependant par la loyauté des intentions et l’expressive simplicité de la manière.

Les tableaux de M. Timbal appartiennent à cette classe d’ouvrages bien pensés vers lesquels la foule ne se sent pas attirée parce qu’elle n’est séduite ici ni par la nouveauté des sujets, ni par l’éclat de la pratique, mais qui n’en ont pas moins une importance véritable, une valeur plus sérieuse que bon nombre de toiles auxquelles s’attache tout d’abord le succès. L’Église triomphante, reproduction d’une frise peinte dans l’église de Pierrefitte, et surtout les Funérailles d’un chrétien martyrisé sur la voie Latine, font honneur au talent de M. Timbal, et témoignent chez le peintre d’un respect peu commun pour les hautes conditions de l’art. Il y a, dans le second de ces tableaux, une expression générale de deuil et de recueillement bien conforme à l’esprit de la scène. N’étaient quelques ajustemens un peu trop prévus, quelques tons dont le choix semble avoir été trop directement conseillé par des traditions ou des habitudes d’atelier, rien de conventionnel ne déparerait une toile qui mieux qu’aucune autre à notre avis, représente au Salon le sentiment et l’art religieux. Ajoutons que les portraits peints par M. Timbal achèvent de donner la mesure de ce talent, retenu dans la forme, mais au fond convaincu et bien muni. Un portrait de femme vêtue de noir se distingue, entre autres, par la sobriété de l’exécution, par la vérité du dessin et du modelé, par l’expression naturelle de la physionomie.