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On a pu le voir au reste, l’ouvrage de Mme Elliott n’est pas de ceux qui donnent prise à la critique, ou plutôt il y échappe à force de la braver. Si l’on ne peut lire sans émotion ce qu’elle raconte des événemens dont elle a failli devenir victime, personne ne voudra demander à ce récit des jugemens sérieux et équitables sur la situation de la France durant cette terrible époque. On ne peut signaler ici de telles appréciations que pour se défendre d’y adhérer, tout en rendant justice à ce que les sentimens personnels de l’écrivain ont incontestablement d’élevé et de généreux. Venue en France pour y chercher librement les plaisirs enivrans de la plus brillante ville du monde, Mme Elliott n’y trouve bientôt que la persécution et la ruine. Comment n’aurait-elle point maudit ceux qui lui semblaient les auteurs de cette catastrophe, oubliant que la monarchie avait elle-même convié les représentans des nouvelles idées à tenter la reconstruction de l’édifice social? dans la mesure de ce qu’il est raisonnable de lui demander, le livre de Mme Elliott contient après tout des informations qu’il n’est pas permis de dédaigner, et qui s’accordent singulièrement avec les récits des témoins plus accrédités encore que j’ai eu l’occasion d’interroger tant de fois; tous ceux qui s’intéressent à la plus mémorable époque de notre histoire trouveront en définitive plaisir et profit à cette lecture.


Cte DE JARNAC.



LES ARYAS PRIMITIFS.
Les Origines indo-européennes ou les Aryas primitifs, etc., par Adolphe Pictet (de Genève), Ire partie; 4 fort vol. grand in-8o, Cherbuliez, Paris et Genève, 1859.


Il est impossible de songer sans émotion aux époques reculées où commencèrent à s’agiter dans les profondeurs de l’Asie centrale les tribus émigrantes qui allaient se déverser sur l’Orient et sur l’Occident. Ces peuples, que l’histoire ne devait pas connaître avant leur dispersion, étaient les Aryens primitifs. Ils se séparèrent d’abord en deux branches, l’une qui descendit vers l’Inde, l’autre qui s’arrêta dans la Perse. Pasteurs plutôt que guerriers, les Aryens marchèrent librement à la découverte des beaux climats et des riches pâturages. Un instinct irrésistible les poussait en avant. Ils s’élançaient avec espérance vers les régions inconnues, confians dans l’avenir que la Providence leur réservait. N’étaient-ils pas appelés en effet à dominer un jour sur la presque totalité du globe? Tandis que les deux rameaux hindou et iranien s’étendaient en Asie, d’autres migrations successives et multipliées portaient dans toute l’Europe, par l’Hellespont et par le Pont-Euxin, des masses de peuplades appartenant à la même famille. Les plateaux de la Haute-Asie continuaient de peupler le monde; mais il y avait dans ces derniers rejetons de la race aryenne line énergie sauvage, une impétuosité violente qui contrastaient avec le calme et la sagesse du vieil Orient. Il était donc difficile de supposer que les Barbares devenus la terreur de Rome fussent les frères de ces autres peuples chez lesquels les anciens avaient puisé les premières notions des sciences, de l’industrie et du commerce.

Les Barbares venaient de l’Asie ; on les voyait se pousser, comme les flots