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départs des volontaires pour le Piémont, devait éclater à l’envoi de l’ultimatum autrichien. Des meneurs, qui, nous écrit-on, n’étaient plus les chefs du parti constitutionnel, préparaient une grande manifestation pour peser sur le gouvernement. Dès le 25 avril, les libéraux modérés envoyaient aux ministres des avis dictés par un honnête esprit de fidélité à la dynastie toscane et par le désir de la voir se rendre au vœu populaire, qu’elle serait impuissante à comprimer. On dit que les conseils du patriarche vénéré du libéralisme toscan, le marquis Gino Capponi, se joignirent à ces pressantes instances. Jusqu’au dernier moment, le gouvernement hésita. Le symptôme le plus grave de l’émotion populaire, c’est, le 26 avril, ce cortège de la foule silencieuse autour du général Ferrari, que le marquis de Lajatico nous dépeint faisant, restito della sua uniforme, la visite des casernes. Les Florentins n’ont pas eu à vaincre, grâce à Dieu, de plus terrible démonstration militaire que celle de l’uniforme du général Ferrari. Ce fut le 27 avril que le grand-duc prit enfin une résolution ; il manda le marquis de Lajatico, qu’il chargea de la composition d’un ministère, se déclara prêt à accéder à l’alliance piémontaise, à la guerre nationale, et promit une constitution ; mais en ce moment les tergiversations du grand-duc avaient déjà lassé les meneurs et la foule : on lui demandait un nouveau sacrifice, son abdication. Le marquis Ridolfi avait pris sur lui de faire connaître au grand-duc la pénible démarche que l’opinion attendait de lui par une lettre respectueuse et forte qu’il vient de publier. Le marquis de Lajatico, avant de se rendre au palais Pitli, avait pris langue à la légation sarde ; il y revint après avoir reçu la mission de former un ministère. Ce fut à la légation qu’il reçut le programme des conditions écrites que l’on imposait au prince. La première était l’abdication du grand-duc en faveur de son fils, le prince héréditaire ; puis l’on demandait l’alliance offensive et défensive avec le Piémont, une prompte coopération à la guerre avec toutes les forces de l’état sous le commandement du général Ulloa. Enfin le programme disait, et cette disposition mérite d’être notée comme indiquant la tendance dans laquelle est dirigé le mouvement italien, que « l’organisation des libertés constitutionnelles du pays devra être réglée conformément à l’organisation générale de l’Italie. » Muni de ce programme, le marquis de Lajatico retourna au palais Pitti. Le grand-duc refusa d’abdiquer, et préféra quitter Florence. Nous sommes de l’avis du marquis Ridolfi : après avoir cédé sur la question de la guerre, il est surprenant qu’il ait refusé de céder sur une question personnelle, loi^squ’il s’agissait pour lui de la conservation du pouvoir dans sa dynastie et de l’ordre établi en Toscane. Le marquis de Lajatico revint donc à la légation sarde raconter son échec. il prononça quelques chaudes paroles (calde parole) sur les mesures à prendre pour la sécurité du grand-duc, disant qu’au besoin il lui ferait un rempart de son corps (io ero pronto al bisogno a fare scudo del mio petto al suo) ; puis il se retira. « Une heure de l’après-midi sonnait, dit le noble écrivain ; ainsi s’achevaient les quatre heures dans le cours rapide desquelles tout pouvait être sauvé, et tout fut perdu. » Et il ajoute, car ceci est une lettre à son fils : Abbraccia per me la tua cara e baona moglie. Heureuses les révolutions dont l’histoire palpitante peut se terminer par les effusions consacrées de l’affection domestique !