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naux d’irrigation, les desséchemens. On sait que les peuples du nord de l’Europe, habitués à un excès d’humidité, apprécient et aménagent les eaux moins bien que ceux du midi : le drainage les préoccupe plus que l’irrigation. Les Français ont mis de longues années à préparer une imitation modeste des Romains pour la conduite des eaux de boisson et d’arrosement; ils ne peuvent encore se décider à construire des citernes malgré l’exemple des Maures, en cela fidèles imitateurs du peuple-roi. Aussi est-il peu surprenant qu’ils aient presque partout reculé devant des opérations monumentales, telles que les barrages, malgré l’évidence des indications naturelles. La grande chaîne atlantique qui traverse toute l’Algérie de l’ouest à l’est, en projetant de droite et de gauche des contre-forts aux flancs abruptes et des massifs aux puissans mamelons, creuse une infinité de petits bassins où coulent des ruisseaux qui deviennent en hiver des courans torrentiels. Des barrages dressés à l’issue des montagnes, au débouché dans la plaine, constitueraient de vastes et profonds réservoirs, d’où l’eau, s’échappant par des canaux ramifiés dans les campagnes, porterait au loin la fertilité. Un seul grand travail de ce genre a été exécuté, le barrage du Sig, dans la province d’Oran, et malgré les richesses que lui doit tout un vaste territoire, malgré les vives instances et les offres de concours des populations, l’exemple n’a pas été suivi ailleurs, du moins sur des proportions dignes d’un grand peuple.

La même timidité a présidé aux travaux de dessèchement des marais. La plupart des plaines, la Métidja entre autres près d’Alger et celle de la Seybouse près de Bône, ont été, sur quelques points, sillonnées de fossés d’écoulement qui ont produit une amélioration immédiate dans les conditions sanitaires du pays et livré à l’agriculture de précieux terrains. Ailleurs de petits marécages ont été attaqués et supprimés; mais nulle part les travaux n’ont été entrepris et menés avec cette puissance et cette persévérance qui seules domptent une nature rebelle. Les grands foyers d’infection paludéenne semblent braver le génie et la volonté de la France : ce sont, au pied du sahel de Koléa, le lac Alloula, et dans l’ouest les marais de l’Habra et de la Sebkha ou grand lac salé d’Oran. Pendant une certaine période, l’état, qui empiétait si volontiers sur l’œuvre des particuliers, avait mis à leur charge le dessèchement des marais et la plantation des parties qui les bordent, oubliant que les terres de cette nature restent dans son domaine. Aujourd’hui il n’impose plus des charges aussi onéreuses qu’iniques, mais il s’abstient de remplir ses devoirs de propriétaire, tout en appelant au voisinage des terres les plus dangereuses des essaims d’émigrans, victimes prédestinées. Combien il ferait acte de sagesse et d’humanité en appliquant son budget à l’assainissement du pays et en