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Denis. Il reste aux fondateurs, pour consolation du passé et espoir de l’avenir, une belle propriété de 1,800 hectares.

La Compagnie des colonies suisses de Sétif n’a affiché aucune prétention de doctrine et de réforme; ses directeurs n’ont annoncé et voulu poursuivre qu’une bonne affaire, et comme, en leur qualité de Genevois, ils possédaient à un égal degré l’habileté pratique et les ressources financières, ils ont réussi sans trop de peine au début. Ils ont construit, suivant l’engagement qu’ils en avaient pris, une dizaine de villages aux environs de Sétif; ils en ont peuplé plusieurs de colons recrutés d’abord en Suisse et en Savoie, plus tard en France même. Pour prix de leur opération, ils ont reçu en toute propriété des terres d’une vaste étendue, et ils y ont organisé des fermes qui paraissent régies avec une remarquable intelligence. Malgré ces succès, le dernier compte-rendu de la compagnie constate le découragement. Déliée de tout contrat avec le gouvernement, elle renonce à ses cultures européennes et à toute nouvelle tentative d’introduction d’émigrans; elle veut se borner au bétail et aux céréales, en ne recourant qu’aux bras indigènes. Ce demi-échec révèle des fautes économiques plus qu’il n’accuse le pays. La compagnie a méconnu cette loi de toute colonisation qui conseille la culture des terres les plus fertiles avant toutes autres, et le pays de Sétif n’est pas des plus fertiles, puisqu’il est impropre aux cultures industrielles. Elle a d’ailleurs trop enchaîné son action à l’action de l’état, et a voulu à son tour trop river à son sort les émigrans. Des entraves de toute nature l’ont paralysée elle-même et ont écarté de ses domaines les colons européens. C’est donc à la liberté qu’il faut revenir toujours comme au principe de tous les succès.


III.

Dans leurs essors si variés, les forces productives de l’Algérie, soit qu’elles s’appliquent à l’agriculture et à l’industrie, ou bien aux sciences et aux arts, n’ont à réclamer que la liberté d’action et la garantie du droit sous la bienveillante protection de la loi. Elles doivent et peuvent être à elles-mêmes leur principe d’activité, tandis que le milieu économique au sein duquel elles se développent est aux mains de l’état, qui le modifie à son gré, tantôt par des règlemens commerciaux qui ouvrent ou resserrent les débouchés, tantôt par les travaux publics, qui facilitent ou entravent la circulation plus encore que la production.

Le commerce intérieur, il faut le dire, ne soulève aucune question bien grave : l’esprit civil de la France y a porté les franchises de la métropole. La liberté intérieure des échanges ne rencontre de limites qu’en territoire militaire, où le colportage est interdit hors des mar-