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pour le bien du service cette merveilleuse activité, ces aptitudes hors ligne, dont il avait déjà donné tant de preuves. Le moment approchait du reste où une éclatante revanche allait lui être accordée.


III.

Vers la fin de 1856, il avait demandé à faire la campagne de Perse, et s’était vu refuser cette faveur en des termes presque insultans, le motif étant pris « de ce qui s’était passé lorsqu’il commandait les guides. » Après deux ans d’injustices patiemment subies, il y avait là de quoi exaspérer la légitime fierté d’un accusé qui se sentait innocent et se savait justifié[1]. Aussi allait-il partir pour Calcutta, bien décidé à toutes les conséquences d’un éclat : son départ était annoncé par des lettres datées de Dughsai le 5 mai. Voici ce que nous y lisons : « Je n’ai que trois voies ouvertes devant moi, pour parler à la Robert Peel : — 1° me tuer, 2° abandonner le service et passer à l’ennemi, 3° forcer le gouverneur-général à rétracter ses paroles et à me faire des excuses. — J’ai choisi cette dernière. La première était trop «exotique, » et sentait le mélodrame; la seconde aurait donné trop beau jeu à mes adversaires du Pendjab... Et d’ailleurs l’ennemi pourrait fort bien être battu. » En conséquence, ses malles étaient faites; mais fort heureusement il ne partit pas. Cinq jours après qu’il écrivait ces lignes si amères et si dégagées, l’insurrection de Meerut venait lui rouvrir la lice, et donner toute leur valeur à ses services, si gauchement méconnus.

S’il fût parti avant ce coup de tonnerre, il est à peu près hors de doute qu’il n’eût pas traversé impunément les deux mille cinq cents milles qui le séparaient de la capitale indienne. Tout au contraire il se trouva littéralement sous la main du commandant en chef (le général Anson), lorsque, revenu précipitamment à Umballah, celui-ci se hâtait d’organiser les forces destinées à marcher sur Delhi. Il choisit immédiatement Hodson pour aide-quartier-maître général de son état-major, et lui donna mission de se composer une garde de cent cavaliers et cinquante fantassins, recrutés à son choix parmi les natifs. « Tout ceci, écrit Hodson, a été fait de la manière la plus flatteuse, et j’ai là un emploi selon mon cœur. » L’enthousiasme lui est revenu; il reconnaît la gravité de la crise, mais sans douter un instant du résultat. « Non, s’écrie-t-il, nous n’avons pas fourni toute notre carrière. De si noirs nuages que s’obscurcisse le ciel, nous verrons la fin de la tempête. L’étoile de la vieille Angleterre

  1. Le rapport officiel qui déclarait non fondés les griefs énumérés à sa charge, déposé le 13 janvier 1856, n’avait pas encore été lu en mars 1857. On découvrit alors que, intercepté au passage, il n’était jamais parvenu sous les yeux du gouverneur-général.