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ne s’est pas fait faute d’y prendre part, et n’a pas cessé un seul jour de tracer devant ses lecteurs tous les plans de sa république en espérance. Eh bien! l’événement est arrivé : qu’a-t-il produit? quels pressentimens a-t-il trompés? A qui a-t-il donné tort? à qui a-t-il donné raison? La question, ce semble, vaut la peine d’être examinée, car la réponse ne se présente pas sur-le-champ à l’esprit sous une forme distincte. Aucun des deux partis qui luttaient alors ne peut se vanter d’avoir eu satisfaction complète. Ce n’est pas la république qui a eu raison, bien qu’elle ait triomphé, car assurément elle ne s’attendait pas à naître si brusquement pour mourir si vite. D’autre part, le gouvernement monarchique, même du fond de son tombeau, n’a pas non plus tout à fait lieu de se rendre témoignage à lui-même, car prévoir, même sous leurs véritables couleurs, les événemens que l’on craint, c’est un petit succès en politique : le succès véritable eût été de les prévenir. Dans quelles proportions se partagent donc entre les deux adversaires qui se disputaient alors le terrain l’échec et la victoire?

D’ailleurs, il faut bien se le rappeler, le débat engagé entre la république et la monarchie n’était ni le seul ni même le principal de ces temps-là : d’autres questions étaient agitées, qui excitaient de plus vives querelles encore. Toute l’assiette de la société politique était en cause dans un débat qui ne tarda pas à atteindre même les bases de la société civile. Le premier enjeu de chaque bataille par exemple, c’était toujours le droit de suffrage : il s’agissait toujours de décider quel nombre de citoyens seraient admis, et sous quelles conditions, à la participation aux affaires publiques; si la souveraineté législative resterait concentrée dans l’élite, ou serait répandue sur la foule. Cette première ligne de combat s’ouvrait de temps à autre pour laisser apparaître un autre corps d’armée lançant déjà dans l’ombre des regards ardens; derrière les prétendans au droit de suffrage, on distinguait déjà confusément toutes les convoitises et toutes les controverses que soulève le droit de propriété. Enfin de continuelles diversions à l’attaque principale étaient faites par des discussions de politique étrangère, d’alliance continentale ou maritime, d’alliance de principes et d’alliance d’intérêts, de paix ou de guerre. On sait la place que ces débats ont tenue dans nos assemblées, et l’influence qu’ils ont exercée sur nos destinées. De toutes ces questions, il en est que le temps a définitivement résolues, et d’autres qu’il a enterrées sans retour. Il en est aussi qui dorment seulement, et d’un sommeil très léger, que le moindre bruit pourrait réveiller. Il en est enfin qui survivent, comme le territoire et le drapeau, à la chute des trônes et des tribunes. C’est là le principe d’une distinction qu’il est curieux d’établir : où