Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/999

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

importations a été de 8 millions d’hectolitres pendant la période 1827-36, de 9 millions pendant la période de 1837-46, et de 16 millions pendant la période 1847-56. Ainsi la production ne suffit pas, année moyenne, à la consommation, et l’insuffisance est toujours croissante, soit que la culture du froment ne suive pas les progrès de la population, soit, ce qui est plus probable, que le développement des cultures industrielles ait envahi, au profit même de l’agriculture, le domaine du blé. En second lieu, la révolution qui a été opérée, au début de la dernière période décennale, dans la législation anglaise sur les céréales a eu pour résultat d’ouvrir à notre production un débouché très important. En 1851, année favorable, la Grande-Bretagne nous a acheté l,450,000 hectolitres de froment et 1,143,000 quintaux métriques de farine. En 1853, bien que le prix moyen de l’hectolitre de blé s’élevât en France au-dessus de 22 fr., nous avons encore exporté en Angleterre 101,000 hectolitres de blé et 237,000 quintaux de farine. Cette ressource pour le placement de notre excédant de production aux périodes d’abondance n’existait pas alors que l’on établit le régime de l’échelle mobile. Ce n’est pas tout : les avantages du marché anglais n’eussent été sensibles, il y a vingt ans, que pour un rayon peu étendu de notre littoral ; aujourd’hui, grâce aux chemins de fer, la hausse qui se produit sur les côtes de la Manche se communique de proche en proche; les prix tendent à se niveler partout; la multiplicité, la rapidité et l’économie des moyens de transport arrêteront de plus en plus les baisses excessives aussi bien que l’extrême cherté. En 1827, il a suffi d’un déficit de moins de 2 millions d’hectolitres pour porter au-delà de 36 fr. Le prix moyen du blé dans toute la France; ce prix n’a jamais été atteint de 1853 à 1857, et nous avons eu des déficits bien plus considérables. Le plus bas prix que l’on ait eu avant 1830 est celui de 14 fr. 87 c. en 1822, avec une exportation de 208,000 hectolitres seulement; la moyenne de 1850 n’est descendue qu’à 14 fr. 26 c, avec une exportation de plus de 4 millions d’hectolitres. En résumé, même en ne considérant que l’ouverture du marché anglais et l’établissement des voies ferrées, faits tout récens qui n’ont pas encore exercé leur entière influence sur les conditions économiques de notre marché, on est amené à supposer que l’action du régime douanier sera désormais beaucoup moindre que par le passé sur le prix des céréales. L’agriculture française est protégée contre l’avilissement exagéré de ses produits par l’agrandissement de ses débouchés, et cette protection l’emporte de beaucoup sur celle du système en vigueur, qui n’a jamais empêché la baisse des prix, lorsque la production nationale, condamnée dans les périodes d’abondance à se faire concurrence sur place, ne trouvait au dehors aucune voie d’écoulement. C’est ce que démontre, pour les esprits non prévenus, la triple statistique des importations, des exportations et des prix. Un droit fixe serait donc plus avantageux pour le commerce et pour les intérêts de la consommation que ne l’a été jusqu’ici le régime de l’échelle mobile, et si, poussant plus avant