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France semblerait avoir presque complètement atteint, sauf certaines réserves qu’il est nécessaire d’indiquer. Si nos importations de produits fabriqués sont presque nulles, ce n’est point parce que nos manufactures fournissent au marché intérieur des articles meilleurs et à plus bas prix que ne le ferait l’industrie étrangère; c’est que les importations sont, pour divers articles de grande consommation, notamment pour la plupart des tissus, absolument arrêtées par la prohibition. D’un autre côté, nos exportations de produits fabriqués doivent une partie de leur activité aux primes de sortie. Ces primes ou drawbacks sont supposées ne représenter que le remboursement des droits qui ont été payés à l’entrée des matières brutes employées pour la fabrication; mais on sait qu’il n’en est pas ainsi de toutes les primes, dont le taux dépasse fréquemment la somme des droits perçus, et constitue un véritable encouragement pécuniaire alloué au manufacturier français. Pendant la période décennale 1837-1846, le total des primes à l’exportation dépassait à peine, année moyenne, 13 millions de francs ; il s’est élevé à 27 millions et demi pendant la période 1847-1856, et il est en voie d’augmentation; en 1855 et en 1856, il a dépassé 41 millions, sur lesquels 28 millions environ s’appliquent aux sucres raffinés, 2 millions aux tissus de coton, et 8 millions et demi aux tissus de laine. — Ainsi les deux faits que révèlent les documens statistiques, à savoir l’insignifiance des importations d’articles fabriqués (5 pour 100 dans l’ensemble des marchandises importées de 1847 à 1856) et la proportion considérable des articles manufacturés que la France expédie au dehors (68 pour 100 dans l’ensemble des marchandises exportées), ces deux faits, qui, au point de vue industriel, présentent les symptômes d’une situation très favorable, sont en partie les résultats de deux expédions législatifs, la prohibition à l’entrée, les primes à la sortie. Or le premier de ces expédions entrave le mouvement général du commerce et risque de porter un grave préjudice au consommateur; le second entraîne des sacrifices pour le trésor, c’est-à-dire pour la masse des contribuables, et il est d’ailleurs très précaire, les autres nations pouvant, ainsi que cela s’est vu, élever les taxes d’importation sur les produits français dans la proportion des primes de sortie que ceux-ci reçoivent, et détruire d’un trait de plume l’effet des faveurs que nous accordons à nos industriels pour la vente de leurs produits sur les marchés étrangers. Il y a donc dans les conditions actuelles de notre commerce extérieur des élémens artificiels et factices qui gênent tous les calculs, et ne permettent pas d’accepter définitivement comme tout à fait favorables les indications de la statistique. Pour obtenir une situation nette, il faudrait n’avoir plus à compter ni avec la prohibition ni avec les primes.

La question des primes ne présenterait de difficulté sérieuse qu’à l’égard des sucres raffinés, auxquels le législateur, dans le triple intérêt de notre industrie, de notre marine marchande, de nos relations d’échange avec les pays producteurs de sucre brut, a entendu accorder des faveurs exceptionnelles. En outre, il ne faut pas oublier que d’autres nations, la Hollande, la