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l’affaiblissement inévitable de l’autorité temporelle du saint-siège, la révolution s’offrant comme auxiliaire en attendant de rester maîtresse définitive du champ de bataille. Les affaires et les intérêts, toujours amis de la paix, ont reculé, non sans raison, devant la perspective d’une guerre prête à suspendre la marche des entreprises matérielles. L’opinion libérale elle-même, sans cesser d’être sympathique pour l’Italie, s’est émue, comme d’une anomalie ou d’une contradiction, de cette possibilité d’une intervention de la France pour porter au-delà des Alpes une liberté qu’elle attend elle-même, pour aller défendre des intérêts mal définis ou peu connus. Il en est résulté une confusion qu’il eût été et qu’il est toujours facile de dissiper en faisant du libéralisme dans la politique intérieure le gardien du libéralisme dans la politique extérieure de la France; car dans ces questions, où s’agitent les intérêts moraux les plus élevés, les intérêts de nationalité et de grandeur, ni le secret accord des gouvernemens, ni le travail de la diplomatie ne suffisent : l’appui, le solide appui est dans l’opinion, éclairée, retrempée, incessamment rectifiée par les discussions libres. Il y a une chose caractéristique à observer : le libéralisme est tellement passé dans la substance et dans le sang de la France, que, même quand il subit des éclipses dans ses institutions intérieures, il reste dans sa politique extérieure. La France aurait beau faire, ses intérêts dans le monde sont partout avec les libéraux; ses amis dans tous les pays sont les partisans de ces idées, et ceux-là seuls sont sincères. Elle a fait, il y a cinq ans, une guerre libérale d’accord avec l’Angleterre, et elle a eu pour alliés ou pour complices de sympathie les peuples libéraux. La cause de l’Italie est encore aujourd’hui évidemment une cause libérale. Cependant, pour que cette politique ait toute son efficacité, pour qu’elle apparaisse dans son vrai jour, la première condition est qu’elle se produise comme l’expression de l’opinion libre aussi bien que de la pensée des gouvernemens. En un mot, il y a un certain équilibre qui doit tendre sans cesse à s’établir entre ce qu’un pays pense et pratique chez lui et les desseins dont il poursuit l’accomplissement au dehors. L’opinion alors, au lieu de s’égarer en conjectures, est la complice des gouvernemens, et elle fait leur force.

Et ce n’est pas seulement dans l’ordre intérieur que les méprises et les incertitudes se sont élevées autour de cette question italienne de façon à l’obscurcir : elles se sont répandues en Europe, où l’opinion universelle a eu ses éblouissemens aussi bien qu’en France. Comme on n’apercevait pas la nature précise des difficultés nouvelles qui surgissaient, on a commenté, on a supposé. Des analogies de situation, les perspectives de guerre, l’inconnu des desseins ont