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En 1814, la monarchie représentative aurait pu être fondée dans tous les états d’Europe qui sont en-deçà du Niémen et de la Moldavie, excepté un seul, l’Autriche, qui ne peut subsister que par l’absolutisme ; un seul homme d’état parvint à faire sacrifier à cet intérêt unique la tranquillité à venir de plusieurs générations. Par là les lentes améliorations sont devenues impossibles, et la bonne cause a dû se faire révolutionnaire… Des réformes préventives eussent pu calmer l’orage avant 1848. Des souverains intelligens pouvaient, selon le précepte de Machiavel, ne se faire tyrans qu’afin d’être législateurs, et conjurer l’approche du désastre ; mais la révolution pacifique de 1848 ayant avorté, l’exhumation absurde de l’ancien ordre de choses étouffant de nouveau les germes des institutions nouvelles, des catastrophes sont à craindre. Les réformes qui auraient suffi en 1840 ne satisferaient personne aujourd’hui ; elles seraient regardées non plus comme des concessions amiables, mais comme des restitutions insuffisantes, car les droits et les devoirs sont changés… Un seul moyen de salut reste aux princes, c’est de rétablir la représentation nationale, qu’ils n’ont pas le droit de supprimer. D’autres réformes moins complètes seraient bâtardes, spurie, fausses, inopportunes ; elles offriraient des dangers sans avantages… Comment ne pas s’attendre à voir surgir en Italie, dans un avenir prochain, les révolutions qui depuis soixante ans combattent en Europe pour la liberté ?… Car les Italiens ont reçu une leçon si mémorable, qu’ils en sont bien changés. La présence de l’étranger ne pourra plus donner un souffle de vie aux événemens, un nom à l’histoire italienne. L’année 1848 commence un nouvel âge dans cette grande et douloureuse histoire. La lutte se prolongeât-elle au-delà de toute prévision, les asservis ne pourront plus être serviles devant l’Autriche, tête de l’absolutisme, centre de résistance au mouvement libéral de l’Europe. »


Mais le gouvernement pontifical est-il aussi condamné à accepter la représentation nationale ou à périr ? Oui, dit toujours Balbo.


« Le 14 avril 1847, on institua à Rome un système de gouvernement qu’on prit pour une invention merveilleuse, cela s’appelait le gouvernement consultatif. Dans ce système, une consulte, c’est-à-dire un conseil d’état, ou plutôt un ensemble de commissions portant des dénominations diverses, conseillait et assistait le prince dans ses travaux législatifs, sans avoir néanmoins sur ses décisions aucun droit de veto, ni même de délibération sérieuse… Ce mécanisme fallacieux, mis en usage à Naples et à Turin, n’avait nui en rien à la prospérité du despotisme ; à Rome, soutenu patiemment par l’opinion, qui s’en servait pour arriver au régime représentatif pur, il conduisit effectivement aux résultats qu’on en attendait… Forme hybride, laquelle ne sortira jamais de ce dilemme : révolution rétrograde vers l’absolutisme, révolution progressive vers la représentation nationale »


Enfin aux derniers jours de sa vie Balbo écrivait ceci[1] :


« Le territoire conquis en 1848 par la liberté représentative ne sera pas diminué, les limites où elle s’est étendue ne seront point réduites désormais

  1. Discorso sulle Rivoluzioni, c. v.