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suit que ces traités, œuvre patiente de la politique autrichienne, constituent un ordre de choses entièrement en dehors de la légalité européenne. Une vérité cependant s’échappe à travers ces détails : quoi qu’en ait dit M. de Metternich, l’Italie n’est pas seulement un nom sonore légué par l’histoire ou une expression de géographie; elle existe dans l’âme des Italiens et dans la pensée de l’Autriche elle-même, qui a tant à cœur de la défendre; seulement pour les Italiens la péninsule doit être indépendante et libre; pour le cabinet de Vienne, l’Italie, même avec des souverainetés diverses, doit être autrichienne. Là est le mot suprême de la lutte engagée devant l’Europe.

Et cette lutte étrange ne s’éclaire pas seulement de toutes les manifestations et des actes diplomatiques où s’inscrit la persévérante pensée du cabinet de Vienne, elle s’éclaire encore et surtout de la pratique des choses, des mille détails qui caractérisent les rapports entre les gouvernemens italiens et leur puissant protecteur, de la nature même, des formes et des habitudes de ces occupations et de ces interventions par lesquelles procède l’Autriche. C’est là qu’on peut surprendre en quelque sorte à l’œuvre le travail de cette politique, ramenant tout à son point de vue et à son intérêt, substituant son action personnelle à l’action indépendante des souverainetés qu’elle protège, cherchant quelquefois des prétextes d’intervenir et n’attendant pas toujours d’être appelée. Un des plus curieux exemples est l’histoire de la dernière intervention autrichienne en Toscane, — histoire éloquemment rajeunie et exposée comme un document de plus dans un petit livre récent, Toscana ed Austria, de quelques patriotes de Florence qui, pour être très prononcés contre l’influence de l’Autriche, ne sont pas moins des esprits essentiellement modérés. Comment prenait naissance cette intervention? Elle commençait véritablement d’une façon singulière, par une lettre que le maréchal Radetzky adressait au grand-duc le 2 février 1849. « D’après les ordres du gouvernement impérial, disait le vieux maréchal, il m’est agréable d’annoncer à votre altesse que, si elle veut en tout et pour tout se conformer à ce qui lui a été communiqué par le cabinet aulique le 26 janvier, elle n’a qu’à abandonner ses états de terre ferme et à se mettre en sûreté à San- Stefano; aussitôt que j’aurai soumis les démagogues de Sardaigne, je volerai à son secours avec trente mille de mes braves, et je la remettrai sur le trône de ses aïeux. » Le grand-duc de Toscane était, il est vrai, dans une situation difficile : il était assailli par le flot montant de la révolution, il avait été obligé d’accepter un cabinet démocratique avec MM. Guerrazzi et Montanelli et la convocation d’une constituante italienne; mais il n’était point menacé