Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/964

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sidérable que celle qu’elle avait précédemment. C’était ce qu’elle appelait rentrer dans ses anciennes possessions. Si quelque chose peut montrer ce qu’il y eut de fatal dans la politique extérieure de l’empereur Napoléon, c’est le souvenir presque ironique de ces cessions inscrit comme un titre dans l’article de l’acte final de Vienne qui consacrait les agrandissemens de l’Autriche au-delà des Alpes; c’est ce simple rapprochement : des quatre forteresses de Mantoue, Vérone, Peschiera, Legnago, derrière lesquelles se retranche la puissance impériale en Italie, l’Autriche n’en possédait qu’une autrefois; 1815 lui a donné ce fameux quadrilatère qu’on représente maintenant, non sans quelque raison, comme le plus solide rempart de sa domination. Que résultait-il de là? C’est qu’il n’y avait plus réellement d’équilibre possible en Italie; il n’y avait et il ne pouvait y avoir qu’une puissance prépondérante fortement assise dans l’Italie du nord en vertu des traités, et entraînée fatalement en quelque sorte à s’étendre indirectement, par la politique, par le jeu de toutes les influences et au besoin par les démonstrations de la force, sur le reste de la péninsule. On ne peut plus s’y méprendre, c’est là le nœud du drame qui se déroule depuis quarante ans, et dont on ne voit bien qu’aujourd’hui toute la suite et toutes les conséquences.

L’Autriche, je l’accorde si l’on veut, croyait se conformer à l’esprit des traités de 1815, dont sa politique en Italie lui paraissait un corollaire; elle était intéressée à le croire, et d’ailleurs l’assentiment formel ou passif de l’Europe a pu la laisser quelquefois dans l’illusion. L’œuvre que l’Autriche entreprenait au-delà des Alpes n’était pas moins très profondément distincte du droit public qui avait été déjà si libéral envers elle. A peine les traités de 1815 étaient-ils signés, l’Autriche commençait son travail. Dès 1816, l’Autriche pesait de tout son poids sur le Piémont pour obtenir de lui une ces- sion étrange; elle lui demandait le Haut-Novarais, Arona et cette portion du territoire qui comprend la route du Simplon. « Si le Haut-Novarais ou tout au moins la province de Domodossola, disait M. de Metternich, ne revient pas au royaume lombardo-vénitien, la forteresse de Plaisance n’est plus pour celui-ci qu’une défense insuffisante... » L’Autriche ne se contentait pas de demander une cession territoriale, elle pressait le cabinet de Turin, comme tous les autres états italiens, d’entrer dans une sorte de confédération semblable à la confédération germanique, dans une ligue dont elle eût été naturellement l’autorité dominante et la force exécutrice, — et l’Angleterre d’alors, l’Angleterre de lord Castlereagh, toujours mue par la pensée d’avoir un puissant allié continental, donnait au Piémont le conseil d’accéder à la ligue autrichienne, ne fût-ce que pour payer de ce prix la conservation du Haut-Novarais. Le Piémont