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font leur vie et leur richesse? Conserveront-elles encore quelque splendeur et quelque mouvement? On peut concevoir à cet endroit de légitimes appréhensions; on peut craindre qu’elles ne soient atteintes alors de la décadence qui déjà les menace, et que leurs industries ne soient réduites à s’agiter dans une inféconde activité. Il n’est pas moins à redouter que l’émigration des campagnes, déjà si funeste à l’agriculture, ne se fasse plus désormais vers les grandes villes de production, mais uniquement vers Paris, offrant avec des salaires parfois élevés l’irrésistible attrait des plaisirs.

La centralisation administrative doit être également mise au nombre des causes qui ont précipité le mouvement de concentration sur Paris. Ce fait a été remarqué à d’autres époques; il se manifestait d’une manière éclatante au XVIIe et au XVIIIe siècle, sous la monarchie absolue, a dans le même temps, a fort bien observé M. de Tocqueville, où Paris achevait d’acquérir au dehors la toute-puissance, on voyait s’accomplir dans son sein même un changement qui ne mérite pas moins de fixer l’attention de l’histoire. Au lieu de n’être qu’une ville d’échanges, d’affaires, de consommation et de plaisir, Paris achevait de devenir une ville de fabriques et de manufactures. A mesure que toutes les affaires administratives sont attirées à Paris, les affaires industrielles y accourent. » Colbert essaya toutefois de ranimer l’activité dans les provinces; mais, préoccupé surtout du commerce et de l’industrie, il ne chercha de dérivatif que dans ces deux élémens : par la création ou le développement des manufactures de Beauvais, Sedan, Aubusson, Abbeville, Louviers, Elbeuf, Tours et Lyon, il fonda la prospérité de ces villes et illustra l’industrie française. C’était beaucoup assurément, ce n’était pas assez pour détruire l’action profondément absorbante de Paris; cela exigeait toute une réforme administrative, et cette réforme, il n’était réservé qu’à l’assemblée constituante de l’opérer. En faisant descendre de Paris dans les préfectures le droit de contrôle municipal qui s’exerçait auparavant dans les différens ministères, le décret du 25 mars 1852 a poussé vers la décentralisation; mais l’extension formidable que prend chaque jour Paris semble démontrer sans réplique que la mesure est restée insuffisante, et que l’œuvre est à compléter par des expédiens plus salutaires. Quels sont ces expédiens? C’est au gouvernement, c’est au pouvoir législatif de résoudre ce grand problème qui intéresse le pays tout entier, et dont l’annexion projetée peut révéler toute la gravité. L’assemblée constituante avait pensé, elle, qu’il fallait faire refluer plus abondamment sur tous les points du pays le mouvement et la vie que Paris tendait à absorber, en donnant plus d’initiative et de latitude aux institutions locales, à l’administration des grandes villes commerciales et industrielles. L’un des plus grands admirateurs des bien-