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duits de l’émeute ou avec les commissions qui n’ont point l’élection pour base. La liberté municipale gagnerait beaucoup à être sérieusement étudiée aux différentes phases de l’histoire de Paris; on arriverait promptement à reconnaître qu’elle a toujours été plus avantageuse que nuisible au pouvoir central. Le roi Henri IV ne s’y était pas trompé. Il proclamait hautement que la liberté municipale importait aussi essentiellement à l’administration de la grande cité qu’à la nature des aptitudes et de l’esprit de la population parisienne. « Il faut, disait-il, un aliment à l’intelligence élevée, à l’activité prodigieuse des Parisiens : nos prédécesseurs ont sagement fait de mettre en pratique cette utile vérité. Les franchises municipales accordées avec libéralité par les rois de France aux Parisiens ont eu pour résultat d’associer les plus dignes d’entre eux à l’administration de leur ville bien-aimée, dont ils dirigent les affaires avec talent et honnêteté. Ces franchises portent-elles atteinte à l’autorité royale et souveraine? Pas le moindrement. Qu’ils assainissent Paris, qu’ils embellissent cette capitale, cela n’empêche pas que le roi de France ne sente sous sa main battre le cœur du pays. — Ceux-là servent mal la royauté, qui veulent qu’elle absorbe tout. Épargnons-lui au contraire les questions secondaires, afin que son attention ne soit pas distraite des principales. N’isolons pas le peuple de la royauté; il l’aimera, s’il participe à son action. » C’était là tout à la fois bien dire et bien penser : c’était penser en souverain qui connaît bien le peuple, et surtout le peuple de Paris.

On n’a pas oublié que la vie municipale avait été rendue à la commune de Paris par le gouvernement de 1830. La loi du 20 avril 1834 soumettait à l’élection les membres du conseil municipal de Paris et ceux du conseil-général de la Seine. Les maires de chaque arrondissement de Paris étaient choisis par le roi sur une liste de douze candidats nommés par les électeurs de l’arrondissement. C’est sous l’empire de ce régime que les intérêts de la cité ont été administrés jusqu’en 1848, et dans cette période la population parisienne a prouvé qu’elle n’avait point démérité de ses anciennes franchises. Il ne faut être injuste envers aucun régime, ni fermer les yeux sur les services d’aucune époque. Si le conseil électif n’a jamais disposé de ressources aussi considérables que la commission municipale actuelle, son passage aux affaires a été marqué néanmoins par de grandes et salutaires mesures. La ville de Paris lui doit son assainissement dans les quartiers populeux, ses grands canaux souterrains, les premières voies de communication importantes autour des marchés, dans la Cité et le quartier des écoles, la régularisation de tous les services de la ville, et avec tout cela l’équilibre de son budget. De 1830 à 1848, cent douze rues ont été ouvertes dans Paris; une foule de monumens, à la tête desquels il