Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/941

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parisienne rentra pour quelque temps dans ses franchises municipales, mais ces franchises lui furent bientôt retirées de nouveau, et le prévôt des marchands, soumis en toutes choses au bon plaisir de la couronne, perdit son caractère essentiel de représentant de la commune, et devint un étranger pour la population.

Si l’on s’arrête maintenant au mode d’organisation de la commune, on verra que la transformation que nous avons signalée plus haut s’était opérée longtemps avant la révolution, bien qu’elle n’eût pas été suffisamment observée dans son principe. Ainsi, dès le XIIe siècle, la commune avait été divisée en quatre parties ou quartiers : l’île de la Cité, l’Université, la Grève et Saint-Jacques-la-Boucherie; de là les quarteniers de la ville, ou préposés de la municipalité dans chacune des quatre divisions. Le nombre des quartiers fut doublé avec l’enceinte de Philippe-Auguste, et porté à huit, puis à seize, avec de nouvelles délimitations de la commune. De là sortirent en 1795 les douze arrondissemens actuels. Cependant à la fin du XVIIe siècle la vie municipale était éteinte aussi bien à l’Hôtel-de-Ville que dans les différentes subdivisions administratives de la cité. La vénalité avait altéré les différentes fonctions municipales à tous les degrés. Paris offrait depuis longtemps un aspect étrange. Montesquieu écrivait déjà en 1740 que Paris dévorait les provinces, et rien n’était plus vrai; mais cela ne voulait pas dire que la municipalité parisienne était prépondérante : cela signifiait que le gouvernement, à force d’attirer dans ses bureaux les grandes et les petites affaires, de toucher et de présider à tout, à force de comprimer toute action et toute initiative au loin, avait fini par concentrer le mouvement et la vie du pays tout entier dans la capitale, qui grandissait hors de toute proportion et avec une rapidité singulière. « Cette révolution, a fort bien observé M. de Tocqueville, n’échappait pas au gouvernement, mais elle ne le frappait que sous sa forme la plus matérielle, l’accroissement de la ville. Il voyait Paris s’étendre journellement, et il craignait qu’il ne devînt difficile de bien administrer une si grande ville. On rencontre un grand nombre d’ordonnances de nos rois, principalement dans le XVIIe et le XVIIIe siècle, qui ont pour objet, d’arrêter cette croissance. Ces princes concentraient de plus en plus dans Paris ou à ses portes toute la vie publique de la France, et ils voulaient que Paris restât petit! On défend de bâtir de nouvelles maisons, ou l’on oblige de ne les bâtir que de la manière la plus coûteuse, et dans les lieux peu attrayans qu’on indique à l’avance. Chacune de ces ordonnances constate, il est vrai, que, malgré la précédente, Paris n’a pas cessé de s’étendre. Six fois pendant son règne, Louis XIV, en sa toute-puissance, tente d’arrêter Paris, et y échoue : la ville grandit sans