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tune, concourent à la nomination du lord-maire et des shérifs; mais là se révèle un côté remarquable des mœurs anglaises et des sentimens qui animent l’aristocratie dans ce pays libéral : les plus grands personnages ont toujours tenu à honneur de faire partie des corporations de la Cité. Jacques VI appartenait à celle des drapiers, le duc de Wellington à celle des tailleurs, le prince Albert et lord Palmerston figurent dans celle des marchands de poisson. Ainsi le prince et l’ouvrier, l’homme d’état et le marchand ne craignent pas de se rapprocher dans ce pays; ils font mieux, ils s’estiment. Aussi à certain jour, à certaine heure, n’y a-t-il plus de noblesse, de bourgeoisie et de peuple en Angleterre; il y a une nation compacte, serrée, unie de cœur et d’esprit, qui se divise sur des détails, mais ne fait qu’un tout lorsqu’il s’agit d’une question d’intérêt social ou de la liberté de ses institutions.

A Paris, l’association municipale n’apparaît d’abord que sous la forme d’une corporation de nautes ou de mariniers, parce qu’à l’origine en effet le régime municipal était surtout destiné à protéger l’industrie et les intérêts commerciaux de la population : longtemps il se concentre dans le règlement de la navigation; mais lorsque la ville se répand sur les deux rives du fleuve, lorsque des besoins nouveaux se produisent, il se dégage peu à peu des intérêts purement commerciaux et se révèle avec son véritable caractère. La puissante corporation des marchands de l’eau, la hanse parisienne, fut la dernière manifestation du régime qui présidait dans l’origine au gouvernement de la cité; le parloir aux bourgeois ou bureau municipal était appelé avec raison la maison de la marchandise, car, si l’on y réglait les affaires municipales, on y débattait aussi les questions de commerce maritime que les privilèges de la cité faisaient naître. De là encore cette barque marchande qui figure dans les armes de la ville, et que l’orgueil municipal ou l’ignorance avait ridiculement transformée, à une époque récente, en un superbe vaisseau ponté tel que n’en portèrent jamais les modestes eaux de la Seine. La commune de Paris a traversé toute la période féodale sans perdre aucune de ses prérogatives. C’est peut-être la seule commune en France où le régime municipal fût resté intact. Faut-il en glorifier les magistrats municipaux de cette époque? Oui assurément, puisqu’ils s’étaient faits puissans; mais il est juste aussi de reconnaître que le voisinage de la royauté fut pour leurs droits une utile sauvegarde. Paris ne fut donc point une commune jurée, car il jouissait des franchises que revendiquaient alors les autres communes; le mouvement municipal du XIIe siècle ne lui apporta point de charte, et ce fut un malheur peut-être, car si Paris n’eut point de charte ainsi que les autres communes, de son côté la