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nement français poursuivra d’une main ferme et persévérante un double but : d’un côté l’amélioration de tout ce qui dérive de la nature, de l’autre la décomposition de tout ce qui est un legs de la barbarie. L’homme et la famille, fondemens de toute société, seront respectés, relevés et fortifiés; ils doivent tout gagner à notre avènement. La tribu, la nationalité, les institutions, les mœurs subiront toutes les métamorphoses qu’appelle l’intérêt du peuple indigène aussi bien que celui de la France ; mais dans les réformes les plus légitimes une adhésion volontaire, même un peu lente à obtenir, sera préférée à la contrainte, sauf peut-être en matière d’éducation.

Il y aurait extrême imprudence à pénétrer dans le sanctuaire de la famille, entouré chez les musulmans de hautes barrières: un respect sincère du droit individuel doit protéger leurs maisons et leurs tentes contre toute invasion indiscrète de la loi, et néanmoins il sera permis d’y faire prévaloir, sans violence aucune, de salutaires et morales influences qui en écarteront de plus en plus la polygamie, cette plaie des sociétés et des religions inférieures. Que les fonctions de tout ordre soient accordées de préférence aux musulmans qui n’auront qu’une femme; que dans les solennités publiques et en toute occasion ils reçoivent des témoignages particuliers de considération, par la parole du moins, si des signes plus marqués ne sont pas opportuns; que tout citoyen, surtout les fonctionnaires civils et militaires, et leurs femmes encore plus, s’abstiennent de jamais absoudre et encourager de leur présence les mariages postérieurs au premier; que la colonisation étende ses industries autour des tribus, se chargeant de cette multitude de services domestiques qui, bien plus que les passions, entretiennent la polygamie; que les moulins surtout soient multipliés et diminuent la servitude des femmes, aujourd’hui condamnées au travail abrutissant de la meule qui broie la farine du couscoussou. L’influence française pourra même introduire fréquemment dans les contrats de mariage la stipulation de la monogamie au profit de la première femme: la loi l’autorise, et les exemples en sont nombreux. Quant aux yeux des musulmans la polygamie sera frappée du mépris général, elle tombera d’elle-même; elle survivra indéfiniment au contraire, si les Européens continuent à se montrer avec empressement aux fêtes des secondes, troisièmes et quatrièmes noces des grands seigneurs indigènes.

L’enfance est accessible à notre sollicitude dès qu’elle sort du cercle intime de la famille pour entrer dans les écoles. Il serait peut-être téméraire de toucher aux tolbas, les instituteurs de l’islamisme, et à leurs écoles; mais où serait le tort de réunir une fois par jour ou plus rarement les enfans musulmans, israélites et chrétiens, dans des écoles communes où ne seraient enseignées que des