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citadins, n’ont jamais été un peu dangereux que par leurs intrigues, ils le sont aujourd’hui moins que jamais. Vivant sous nos yeux, au milieu de nous, mêlés à nos affaires et à nos plaisirs, surveillés par la police et en quelque sorte par tout le monde, ils inspirent plus de pitié pour la déchéance qui résulte de leur oisiveté que de souci pour leurs menées malveillantes. En vain les pères s’enferment dans une fidélité obstinée à leurs traditions : les fils, plus ou moins mêlés aux enfans des Européens, s’imprègnent de sentimens nouveaux, et les petits-fils différeront encore plus des aïeux. L’administration des Maures n’est plus qu’une affaire de municipalité.

Les Koulouglis, dont le temps efface la trace dans les statistiques, tant ils sont peu nombreux, méritent néanmoins d’être, pour leur position toute particulière, encore distingués et des Maures et des Arabes, qui les détestent, en leur qualité de fils des Turcs, à peu près autant que les chrétiens eux-mêmes. C’est un lien entre eux et nous. Aussi de bonne heure se rallièrent-ils à notre cause, sous la conduite du général Mustapha, qui fit apprécier leurs services dans la province d’Oran. Partout ils résistèrent aux instances comme aux menaces d’Abd-el-Kader. Supérieurs à tous les autres indigènes par l’intelligence et surtout par la tradition et l’instinct du commandement, ils sont les sûrs auxiliaires de l’administration française dans les campagnes comme dans les villes.

Restent les Arabes et les Kabyles, soumis au même système général d’administration, malgré des différences plus importantes pour l’ethnographie que pour la politique. Les uns comme les autres sont régis par des chefs indigènes, soumis en territoire militaire à une hiérarchie d’officiers, en territoire civil à une hiérarchie de fonctionnaires civils, avec cette nuance que l’élection populaire a été maintenue pour les amins ou chefs municipaux en Kabylie, où elle est profondément enracinée dans les mœurs, tandis que chez les Arabes l’autorité française nomme les kaïds. Dans les deux territoires, les instrumens spéciaux de l’administration des indigènes sont les bureaux arabes, une institution qui a soulevé bien des tempêtes.

En citant des abus dont le nombre et la gravité n’étaient guère contestables, certains écrivains ont demandé la suppression complète des bureaux arabes et leur remplacement par les employés habituels de l’administration. Encore un élan irréfléchi vers l’assimilation absolue, laquelle doit exister au moins en germe et en puissance avant de devenir un décret! Si la zone militaire doit se réduire, comme c’est admis en principe, aux territoires où les Arabes composent presque seuls la population, quelle autre mission auront des employés quelconques, sinon d’administrer ce peuple? Sous un nom ou sous un autre, civils ou militaires, ne formeront-ils pas des bureaux