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ferme, quelque petite qu’elle soit; sans ressources eux-mêmes, ils ne peuvent épouser que des filles pauvres; ils manquent de la maturité d’esprit et de caractère qu’exige une exploitation rurale. Enfin, dès qu’arrive la vingtième année, la conscription risque de les appeler sous le drapeau. Aussi doit-on ne compter que modérément sur les orphelinats pour défricher et coloniser l’Algérie.

A l’égard des adultes, la charité publique a importé de France les bureaux de bienfaisance, les hôpitaux, les monts-de-piété; elle a inventé les dépôts d’ouvriers destinés à recevoir pendant les premiers jours les émigrans sans ressources et sans travail, et les médecins de colonisation, analogues aux médecins cantonaux, dont quelques départemens de la métropole ont fait l’essai avec des résultats très diversement jugés. En ce qui touche ces derniers, la même diversité d’appréciation se retrouve en Afrique. Les dépôts d’ouvriers sont justement critiqués pour leur installation au sein des villes, au contact de toutes les oisivetés, loin des ateliers agricoles. A toutes ces combinaisons officielles et artificielles nous préférons de beaucoup les sociétés libres de secours mutuels, naturalisées là-bas depuis deux ou trois ans seulement, qui substituent à l’aumône l’assurance mutuelle, à la contribution légale la fraternité du dévouement. Dans tous les pays d’immigration se fondent spontanément des sociétés de protection en faveur des nouveau-venus. S’administrant elles-mêmes, distribuant des conseils, des secours, procurant du travail sans que l’autorité s’en mêle, ces sociétés remplacent les dépôts d’ouvriers et les médecins salariés par l’état. Voilà, croyons-nous, le meilleur mode d’assistance.

En dehors des établissemens spéciaux, les budgets des communes et des provinces sont grevés de subventions de tout nom et de toute forme qui font de l’assistance une très lourde charge, que les économies de détail allégeront bien moins que l’attaque directe des causes de maladie et de misère. Parmi ces causes, il en est d’insaisissables, il en est aussi de manifestes qu’il faut prendre corps à corps. Telles sont les eaux stagnantes qui infectent certaines localités, telles encore les incurables infirmités de familles émigrantes qui viennent exploiter la charité française. Des premières on se délivrera par des travaux d’assainissement, des secondes par de sévères règlemens tels que les États-Unis en ont décrété pour interdire à tout capitaine de navire, sous peine de forte amende, d’introduire aucun impotent, aveugle, sourd-muet, paralytique, etc..

L’intervention excessive de l’état, cette faute capitale du gouvernement algérien depuis son origine, se révèle manifestement à propos de la colonisation matérielle, celle qui exploite le sol. Ici l’homme est sur son domaine et semble pouvoir marcher sans liisières : il n’en sera rien. Pour discipliner la production, on comp-