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avantages de l’instruction, se reprocheraient d’en priver leurs enfans. L’instruction secondaire, représentée à Alger par un lycée, est tout à fait insuffisante dans les deux autres provinces, qui envient à leur rivale le privilège dont elle jouit. Inspiré par une juste appréciation des intérêts de la colonie aussi bien que de ceux des familles, le conseil-général d’Oran a voté la création d’un lycée impérial dans cette ville, et la province de Constantine regrette déjà de n’avoir pas émis le même vœu, bien digne d’être accueilli. Retenir en Afrique les familles aisées et leurs enfans, c’est préparer une pépinière de colons intelligens et acclimatés que ne tourmentera pas la nostalgie.

L’instruction supérieure se bornait naguère aux cours publics de langue arabe confiés dans les trois chefs-lieux à des professeurs français, lorsqu’est survenue la création d’une école préparatoire de médecine et de pharmacie à Alger, résurrection trop tardive du cours de clinique qui avait été fondé presque au lendemain de la conquête dans l’hôpital militaire du Dey et supprimé quelque temps après. Les aptitudes scientifiques et médicales de la race arabe sont attestées par les immenses travaux de ses docteurs, parmi lesquels les noms d’Avicenne et d’Averrhoès brillèrent d’un éclat qui dure encore. En réveillant au sein des populations musulmanes le goût des études qui firent jadis leur gloire, la France acquitterai dette de l’Europe savante, tout en servant les intérêts les plus directs de la colonisation.

Dans le domaine de l’instruction rentrent les bibliothèques, les musées, les stations météorologiques, établissemens trop rares encore, car dans une colonie française la haute culture de l’esprit ne doit être jamais sacrifiée à aucune préoccupation ni de travail matériel ni de guerre. Il n’y a de bibliothèque publique qu’à Alger; les autres cités principales, avec une population de dix à quarante mille âmes, sont au niveau des bourgades de France. Même reproche à propos des musées, dont il n’existe quelque ébauche sérieuse qu’à Alger et à Cherchell, l’héritière de Julia Cœsarea, la capitale de la Mauritanie césarienne. A peine signale-t-on quelques collections naissantes à Philippeville, Guelma, Constantine, Sétif, Tlemcen. Sur cette terre où les Romains déployèrent pendant cinq siècles la puissance de leur génie colonisateur, où régnèrent non sans éclat de nombreuses dynasties arabes et berbères, l’on compte par centaines les villes ruinées, par milliers les vestiges épais qui n’ont été protégés que par d’impuissantes circulaires. A défaut de la sollicitude officielle, deux sociétés scientifiques ont, dans ces derniers temps, pris en main ce rôle, l’une à Constantine, l’autre à Alger, et déjà leur intervention a procuré les plus heureuses améliorations. Avant elles, une exagération de zèle pareille à celle qui a dévalisé la Grèce dépouillait toutes les localités au profit des mu-