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murs d’enceinte, construire des écoles, des églises, même des maisons particulières, défricher les terres, ériger des fontaines ou des abreuvoirs, etc., toutes œuvres d’un caractère municipal. Entraîné dans cette fausse voie, l’état a quelquefois suscité un vrai scandale par le caractère intempestif de ses travaux : il est tel village où ses agens ont dépensé pour le nivellement des rues et l’établissement des trottoirs, avant toute installation d’habitans, des sommes qui eussent suffi à établir un long morceau de route. Cette conduite a contribué à détendre le ressort moral des populations, en leur apprenant que l’état se faisait gratuitement leur ingénieur, leur architecte, leur banquier. Un plus libre essor ouvert à la vie municipale eût dispensé de tous ces sacrifices.

La liberté n’y eût pourtant pas généralement suffi; une dotation communale eût été indispensable : autre condition de vitalité qui n’a été soupçonnée que fort tardivement, et qui, même appréciée à sa valeur, a été rarement accordée par l’état. Une ordonnance du 5 juin 1847 porte en vain que sur le territoire de chaque nouveau centre de population un dixième sera réservé comme terrain communal : cette réserve n’a été faite qu’exceptionnellement, et, une fois faite, a été rarement conservée : suivant le caprice des autorités locales, les biens communaux ont été, en maints endroits, dépecés en petits lots et distribués. Un autre arrêté du li novembre 1848 allait plus loin encore dans le vrai, en promettant à chaque commune une dotation en immeubles susceptible de produire des revenus, engagement confirmé par la loi du 17 juin 1851; mais l’état ne lâche sa proie, c’est-à-dire son propre domaine, qu’à corps défendant : il n’a rien donné. Les communaux pour pacages, qui ont çà et là échappé au morcellement, ne sont pas d’ailleurs la seule ni la meilleure dotation possible des communes. Des lots à bâtir dans les villages et hors des villages, les bois, les eaux, les carrières, les mines même auraient pu concourir à ce dessein : nulle part on n’y a pensé.

Il est une autre source de revenus dont nous devons parler ici : la vente des terres de colonisation, dont le prix est tout entier absorbé par l’état, ce qui blesse au plus vif l’Algérie dans ses intérêts les plus légitimes. Pour un pays quelconque, ses terres constituent sa substance même, sa chair et son sang, et nulle propriété ne lui semble plus incontestable. Il importe peu que le droit public déclare domaniales ces terres; l’état qui a fait la loi peut les restituer au domaine provincial, et stipuler, en faisant cette cession, que le prix sera employé en travaux publics, à commencer par la localité dont les terres seront vendues : nulle mesure ne sera plus populaire et plus féconde en bons résultats. A défaut de cette juste