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naissant au peuple le droit de se constituer, il saura protester au besoin contre toute intervention dans l’Italie centrale. » C’était clair. M. Costa de Beauregard demanda au contraire que l’on exprimât le vœu de la restauration du pape. César Balbo, qui ne pouvait rester silencieux sur un sujet qui lui appartenait en quelque sorte, proposa l’amendement peu compromettant que voici : « Nous avons confiance que le gouvernement voudra persévérer dans cette politique de conciliation entre les peuples et les princes italiens qu’il nous a exposée, et qui l’assure de notre concours. » Pour expliquer sa pensée, il prononça un long discours où la papauté était représentée dans l’histoire comme le noyau de l’indépendance italienne. Il déclara qu’à ses yeux, le pouvoir temporel du pape n’était point nécessaire à la religion catholique, mais que la destruction en serait présentement funeste à l’Italie, qu’enfin plusieurs raisons de convenance et d’utilité devaient concilier au pape la faveur des véritables Italiens. Cette jeune république d’ailleurs n’était-elle pas pour la monarchie représentative une menace toute semblable à celle de l’ancien absolutisme papal? Le vieillard termina par un retour sur sa jeunesse, et rappela ce qu’il nommait ses fautes contre Pie VII. Tout cela par malheur n’était pas de saison. Il était fâcheux de rappeler, au moment même où le pape seul attirait en Italie l’intervention étrangère, que le pape avait été jadis le noyau de l’indépendance; mais enfin ce discours était un bon procédé envers le pape, et cela suffisait pour que Balbo le prononçât. Dans son livre sur la monarchie représentative en Italie, certains passages témoignent du jugement qu’il portait sur les moyens employés pour la restauration papale; il est intéressant de rapprocher du discours dont il vient d’être parlé le curieux fragment qu’on va lire : « L’impuissance matérielle de la France dans l’expédition de Rome apparut par les envois de troupes qui furent faits successivement, bataillon par bataillon pour ainsi dire, et d’une façon peu digne de la grandeur de la France; puis on vit son impuissance morale, lorsque la volonté de soutenir la révolution[1] lui manqua tout à fait. Je ne veux pas entrer dans les détails diplomatiques; l’ensemble des faits montre trop clairement qu’on n’a jamais bien su ce qu’on allait faire à Rome. Il était très naturel que la chose tournât comme elle a tourné, et que la petite république romaine ne fût pas aidée par la grande république française, que les Français eux-mêmes ne tenaient point à affermir. Il était très naturel aussi que ce mauvais ou médiocre vouloir à l’égard de la répu-

  1. Balbo entend par là les réformes libérales, et prend, comme il le fait souvent, le mot révolution en bonne part.