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sens de la guerre tous les faits qui se déroulent. C’est le malheur de notre situation et la conséquence des obscurités qui enveloppent l’opinion. Quant à nous, déclinant le rôle de prophètes, répugnant à cette puérilité qui érige des vœux en prédictions, nous avons adopté le seul parti qui nous paraisse à la fois honnête et sensé. Nous prenons au mot, et dans leur acception simple, droite et naturelle, les paroles et les mesures des gouvernemens. Nous croyons que les gouvernemens sont sérieux dans leurs actes. Nous sommes donc convaincus que la France et l’Autriche, en adhérant à la réunion d’un congrès, y apporteront, non des réticences de guerre, mais une volonté efficace de paix. À quelles conditions pourra s’accomplir l’accord si désirable et tant désiré ? C’est l’affaire même du congrès de le rechercher ; si nous ne croyons point devoir taire nos vœux pour une solution pacifique, nous pensons remplir un devoir de discrétion patriotique en nous abstenant de discuter le détail des questions sur lesquelles le congrès va délibérer. Nous demanderons seulement la permission de signaler quelques indices qu’une publicité antérieure a laissé entrevoir. Si nous ne nous trompons, vers la fin du mois dernier, un des gouvernemens qui sont le plus intéressés dans la question italienne fut interrogé par le cabinet anglais sur les mesures qui devaient, à son avis, pacifier l’Italie. Il aurait été répondu à lord Malmesbury qu’il y avait deux façons de régler les affaires italiennes : que la bonne et la seule efficace serait l’évacuation totale de la péninsule par l’Autriche et la révision des traités de 1815 ; que, si une telle entreprise paraissait trop grosse dans la situation actuelle, il fallait que l’Autriche, par l’abandon de ses traités particuliers, rendît leur indépendance véritable aux petits états italiens, et qu’elle accomplît de sérieuses réformes dans l’administration de la Lombardie et de la Vénétie. Naturellement le cabinet anglais n’a pas dû tenir compte de la solution absolue, de celle qui équivaudrait à la guerre, qu’il fait tant d’efforts pour prévenir ; mais les conseils que lord Covvley a donnés à Vienne ont dû rouler sur la seconde. Il serait de la part de l’Autriche souverainement habile de faire dans cette limite de très larges concessions, et de surprendre l’Europe par quelque combinaison inattendue qui pût répondre aux vœux de la nationalité italienne. Lord Clarendon vient de donner dans ce sens un conseil opportun à l’Autriche : il est clair que la force qu’elle puise dans les sympathies de l’Allemagne lui permet de céder beaucoup avec bonne grâce et sans aucun sacrifice de dignité. La satisfaction avec laquelle lord Clarendon et lord Malmesbury ont parlé du résultat de la mission de lord Cowley, les éloges qu’ils ont donnés à la franchise et à la cordialité qui ont distingué ses relations avec la cour de Vienne permettent de bien augurer des dispositions de l’Autriche. Nous rapprochons involontairement de ces symptômes l’incident qu’a soulevé un membre de l’administration anglaise, M. Whiteside, dans le débat sur le bill de réforme. Pourquoi M. Whiteside a-t-il rappelé qu’en 1848 l’Autriche avait offert à lord Palmerston de régler les affaires d’Italie sur la base de l’indépendance de la Lombardie avec un archiduc à la tête ? Quel rapport ce souvenir a-t-il avec le bill de réforme ? N’est-il point inspiré par les perspectives de la situation, par les préoccupations actuelles ? Ne semble-t-il pas que le cabinet anglais, se voyant menacé dans son existence par lord Palmerston,