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vallée moyenne de l’Adige depuis Bolzano jusqu’auprès de Vérone, les restes de l’armée autrichienne en Italie se trouvèrent séparés en deux parties sans communications entre elles ni avec le reste de l’empire. On peut juger avec quelle promptitude la désertion dut se propager dans ces corps isolés, combien de traînards, d’écloppés durent disparaître des rangs, si l’on songe qu’il s’écoula un temps assez long avant que les chefs des garnisons expulsées des villes pussent être instruits des lieux où ils devaient se réunir au gros de l’armée. Ce fut seulement après que le général Nugent, frappant un coup vigoureux, eut repris Vicence et rétabli ses communications avec Vérone, que la situation s’éclaircit, et qu’il devint possible de faire des projets pour l’avenir. Si aujourd’hui l’insurrection réussissait encore à se rendre maîtresse de Venise, il suffirait de la présence à Malghera d’un commandant homme d’honneur et d’énergie pour que cette conquête restât stérile aux mains des vainqueurs.

Les Autrichiens comptent en ce moment une armée nombreuse en Italie ; Vienne et la Bohême sont tranquilles ; la Hongrie a vu son armée nationale dissoute et beaucoup d’améliorations introduites dans sa législation. Seule l’Italie subit avec impatience un joug étranger, mais l’armée qui la domine est bien organisée et surveille avec méfiance l’attitude du pays. Elle se trouve toute préparée à combattre une insurrection dont l’éventualité est prévue à Vienne, et qui ne serait pas favorisée par la nature du pays comme l’ont été à d’autres époques celles du Tyrol et de la Vendée. Dans ces circonstances, lors même qu’une révolte éclate, il est bien rare que l’avantage ne reste pas à la force organisée ; le résultat de celle de 1848 ne le prouve que trop : le patriotisme et le courage ne suffisent pas pour qu’une nation recouvre son indépendance.

Le but de cette étude a été d’exposer sur quelles bases militaires repose la domination exercée par l’Autriche en Italie, de montrer sa force sans l’exagérer, mais aussi sans encourager aucune illusion. Il est constant que le gouvernement autrichien dispose en ce moment au-delà des Alpes d’une armée considérable, bien commandée, bien disciplinée. Il a fait tout ce qu’il était en son pouvoir pour lui donner l’homogénéité qui lui manque, et s’il a conservé des doutes sur la fidélité de quelques-uns de ses soldats, il lui est facile de les reléguer dans une partie écartée de son empire, loin des lieux qui seront le théâtre des actes de guerre. L’Italie est couverte de nombreux soldats dont il est loisible en peu de temps à l’Autriche d’augmenter le chiffre ; ils ne se trouvent plus, comme en 1848, disséminés dans de faibles garnisons, mais groupés près des points que l’on a intérêt à surveiller. Des casernes défensives, probablement munies de vivres, leur permettraient de braver les efforts d’une population