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le commencement des hostilités, un échec très grand, plus grand même qu’il n’est raisonnablement permis de le supposer.

Ceci nous amène à rechercher si l’on pourrait compter aujourd’hui sur le concours des circonstances qui en 1848 ont fait tomber Venise et tant d’autres villes au pouvoir de l’insurrection italienne. La France a fait une assez triste expérience des révolutions pour savoir que l’imprévu est la grande loi des états dans les momens de trouble. La seule question à laquelle on puisse essayer de répondre est celle-ci : est-il probable qu’aujourd’hui comme il y a dix ans l’insurrection puisse réussir à s’emparer de la plus grande partie du pays? Le résumé succinct des faits qui se sont passés à cette époque va servir de réponse. La révolution de 1848 fut une surprise pour l’Autriche comme pour la France. Elle se vit menacée à la fois à Vienne, en Bohême, en Hongrie, en Italie. Son armée dans ce dernier pays pouvait s’élever au nombre.de soixante-dix ou quatre-vingt mille hommes, mais elle était dispersée dans les villes de garnison : partout elle fut prise au dépourvu par l’insurrection; beaucoup de soldats désertèrent, et, fait digne de remarque, presque tous se retirèrent chez eux. Ceux même qui étaient Italiens d’origine n’allèrent pas grossir les rangs des révoltés, comme cela est arrivé en Hongrie, où l’armée s’est soulevée tout entière. Partout où les troupes étaient en petit nombre, elles durent céder ou se retirer; mais la Rocca d’Anfo est le seul endroit vraiment fortifié qui, en Lombardie, ait succombé à l’effervescence populaire. Toutes les villes de guerre restèrent au pouvoir de l’armée, et ce fut même en vertu d’une convention autorisée que la garnison de Pavie se retira pour rallier à Vérone celle de Milan. Tout le terrain compris entre le Mincio et l’Adige resta au pouvoir du maréchal Radetzky et contribua à nourrir son armée. A Venise au contraire, les choses se passèrent différemment : la conduite habile et mesurée des chefs du parti national, la faiblesse du comte Palfy, gouverneur civil, et du comte Zichy, chef militaire, amenèrent d’abord la défection de la flotte et des ouvriers de l’arsenal, ensuite l’armement de la garde nationale, et finalement l’évacuation de la ville. Les forts même furent rendus, faute capitale du général en chef, car si, ce qu’il est difficile d’apprécier, la situation des affaires l’obligeait à reculer devant un soulèvement populaire, rien ne le forçait du moins à comprendre le fort Malghera et tout le système des forts des lagunes dans l’abandon qu’il faisait de Venise, et en conservant cette forteresse il aurait beaucoup facilité la reprise de la ville elle-même.

Palma-Nuova et Osopo suivirent l’exemple de Venise. La garnison erra sur la terre ferme, et bientôt la révolte se propageant dans toute la Vénétie et dans le Tyrol italien, qui comprend la