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cette route et d’en interdire l’accès à une armée envahissante. Pour ne pas emprunter une bande étroite de territoire étranger, on a préféré ce passage si dangereux à un autre très voisin et plus commode, celui de Sainte-Marie, auquel se rattache un souvenir militaire. Stilicon, le dernier des généraux romains, dont on peut contempler la tombe sous la chaire de saint Ambroise à Milan, l’avait traversé avec ses légions lorsqu’il vint en Italie repousser l’invasion d’Alaric. Ces deux cols, Sainte-Marie et le Stelvio, conduisaient également du Tyrol à la Valteline, et par elle au lac de Côme et à Milan. On a préféré le moins praticable dans un intérêt militaire. Il y a deux siècles, Richelieu appréciait tellement l’importance de la Valteline que, pour en disputer la possession à la maison d’Autriche, il acceptait les services du duc Henri de Rohan : ce chef exilé des protestans du Poitou et de la Saintonge, quoique éloigné de sa patrie, en défendait encore les intérêts sur cette terre étrangère.

Depuis une vingtaine d’années, la route du Stelvio est terminée, et on a reconnu les inconvéniens d’un passage que les intempéries interceptent trop souvent. Telle est cependant l’importance aux yeux des officiers autrichiens de la communication que cette route devait assurer qu’ils n’ont pas hésité à en faire ouvrir une autre un peu plus au sud, entre la vallée de la Nos, petit affluent de l’Adige, et celle de l’Oglio, pour rejoindre la route magistrale de la Lombardie à moitié chemin de Milan à Brescia, en franchissant le mont Tonale. Moins élevé que le Stelvio, le mont Tonale a encore plus de 1,980 mètres de hauteur. On peut juger, par cette persistance à ouvrir des voies directes sur Milan, de l’intérêt que l’Autriche attache à parvenir à cette ville sans être obligée de traverser des pays insurgés. La route du mont Tonale, commencée depuis 1850, est à peine terminée en ce moment.

Les chemins de fer, dont la création est postérieure à celle de la plupart des routes dont nous venons de parler, ont été conçus dans le même esprit. On s’est attaché à relier d’abord avec Vienne la plaine centrale et les principales villes de la Lombardie : ce travail est fait, et les locomotives parties de Vienne arrivent à Trieste, à Venise, à Vérone, à Mantoue et à Milan. On a ensuite imité le tracé des autres routes militaires : la voie poussée de Milan à Côme doit se prolonger vers la Valteline; une autre remonte déjà l’Adige jusqu’à Bolzano ou Botzen (la ville porte ces deux noms), à la limite des pays italiens et allemands, et va aussi s’engager dans les montagnes du Tyrol. Des embranchemens relieront à ces artères principales les états secondaires de l’Italie. Le Piémont toutefois en a été exclu, et n’a pu obtenir de rattacher par la pose de rails entre Novare et Milan son système à celui de la Lombardie. Dans l’obli-