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nard et du Splugen. Plus tard, les efforts des populations, le défrichement des parties boisées, en ont augmenté le nombre, mais toujours dans d’assez faibles limites, et il y a soixante ans les Alpes n’offraient nulle part de route qui fût pendant toute l’année dans un bon état de viabilité. Cette interruption périodique des relations entravait grandement le commerce devenu aujourd’hui si actif entre les habitans des versans opposés. Dès 1800, le premier consul décréta l’ouverture de la route du Simplon, dont les prodiges ont été bien dépassés par des travaux plus récens. Il en fit ensuite commencer plusieurs autres qui n’ont pu être terminées sous son règne, et dont quelques-unes sont restées inachevées. Le gouvernement autrichien en effet s’attacha à augmenter les relations de la Lombardie avec l’Allemagne, et usa de toute l’influence qu’il conserva pendant longtemps sur le cabinet de Turin pour entraver l’exécution de toutes les voies de communication avec la France et même avec la Suisse.

Actuellement encore il n’existe que deux bonnes routes conduisant de France en Italie, celle dite de la Corniche, par le bord de la mer, construite depuis le commencement de ce siècle, en remplacement d’un chemin affreux, souvent suspendu sur les précipices, ce qui lui avait valu son nom. Interceptée par la grande et forte place de Gênes, et d’autres moins importantes, telles que Nice, Savone et Vintimille, elle permet cependant de franchir l’Apennin par divers cols peu élevés, dont le principal est celui de la Bochetta. Gênes est maintenant relié en outre aux villes du Piémont par un chemin de fer. La deuxième bonne route carrossable qui traverse les Alpes à l’ouest est celle du Mont-Cenis, décrétée par l’empereur Napoléon Ier, et dont l’Autriche n’avait permis la continuation qu’à la condition de la faire maîtriser par la forteresse de l’Esseillon en Savoie. Quant aux autres passages praticables, l’Autriche mit tous ses soins à ce qu’on n’y travaillât pas. Non-seulement elle empêcha le Piémont de continuer sur son territoire la route du Mont-Genèvre, faite du côté de la France, et d’améliorer les chemins par d’autres cols, pour lesquels la nature s’est montrée plus ou moins libérale, tels que ceux de l’Argentière, si commode que les voitures le franchissent pendant la belle saison, bien qu’il ne s’y trouve pas de route tracée, du Lautaret, de Malaure et d’autres. Elle insista en outre pour que des forts fussent relevés dans les vallées qui y mènent; Vinadio, Exilles et Fenestrelles virent leurs remparts se dresser plus menaçans qu’ils ne l’avaient jamais été. La route du Simplon elle-même, qui ne conduit en France qu’en passant par la Suisse, fut frappée du même interdit. L’intention bien manifeste du gouvernement autrichien était, si la guerre devait éclater dans cette