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pereur Nicolas. Dans le traité publié à cette occasion et qui est resté classé parmi les meilleurs, Storch, soulevant la question de l’esclavage, montre avec insistance la honte et les dangers de cette infirmité sociale. N’est-ce pas ce courageux enseignement qui porte ses fruits aujourd’hui? En ce moment même, l’Autriche, placée par la tradition au rang des grandes puissances, sent qu’elle ne peut s’y maintenir qu’en augmentant la fortune publique. Malgré les répugnances d’un gouvernement absolutiste, on est obligé de se servir d’un économiste expérimenté, M. de Bruck, pour abolir les privilèges des métiers et des corporations, faciliter les échanges, en un mot pour retremper la nation dans les sources vives des libertés industrielles. Et cette question des nationalités qui devient si brûlante! sondez-la dans ses mystérieuses réalités. A la place de cette vieille politique pleine de violences et de perfidies, où chacun se fait un mérite du mal qu’il inflige à ses voisins, vous trouvez dans la conscience des peuples le désir sincère de voir chaque nation maîtresse d’elle-même, et appliquée en toute liberté au déploiement de ses ressources. Rappelez-vous maintenant qu’au commencement du siècle un homme d’une sagacité pénétrante, J.-B. Say, développait au Collège de France une idée si simple qu’elle semblait innée dans les esprits, et pourtant si neuve et si féconde, qu’elle a laissé dans la science une trace lumineuse. Partant de cette incontestable formule que les produits ne se paient qu’avec des produits, Say arrivait à conclure que les peuples se blessent avec les armes dont ils frappent leurs ennemis, parce qu’il y a solidarité entre eux, que l’amoindrissement de la production sur un seul point réduit la somme des échanges universels, et qu’au contraire chacune des grandes familles humaines a intérêt à la prospérité des autres groupes avec lesquels elle est en commerce de marchandises ou d’idées. A coup sûr, s’il était possible de remonter à la source des sentimens et des opinions, on aurait à faire une large part à l’influence de Say dans ce noble et fécond mouvement qui se produit aujourd’hui en faveur des nationalités.

Je l’ai dit en commençant avec une conviction profonde : nous touchons à une époque où les enseignemens de l’économie politique vont devenir de plus en plus nécessaires et recherchés. Ce genre de progrès est dans la force des choses. Nos traditions économiques remontent à des époques où l’industrie existait à peine, et alors ces enseignemens suffisaient tant bien que mal à la situation. Les temps sont déjà bien changés, et nous avons en perspective des changemens plus étonnans encore. L’industrie est lancée à toute vapeur, et il semble que l’idéal des sociétés européennes soit de pousser au maximum leur puissance de production. Il faut produire pour les ap-