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sorte de liberté économique, imparfaite et faussée, illusoire peut-être pour un certain nombre de producteurs, mais très efficace déjà pour l’enrichissement collectif des nations.

Dans les quatre types sociaux que je viens d’énumérer, le principe d’autorité est le point de départ, et il se manifeste à des degrés différens selon les pays, dans le grand phénomène de la distribution des produits. Cependant le principe contraire, je veux dire l’initiative des individus en matière d’industrie, la propriété particulière, l’échange volontaire des produits et des services, se sont introduits plus ou moins dans les organisations successives, parce que le besoin de liberté se fait sentir tôt ou tard pour raviver les forces sociales quand l’arbitraire les a paralysées. Ainsi s’explique ce mélange d’autorité et de liberté que l’on peut presque toujours discerner dans les arrangemens économiques des peuples. Ce travail plein de douleurs et de mystères qui s’opère au sein des nations, et qu’on appelle vaguement le progrès, semble avoir pour but de rétablir l’homme social dans la plénitude de son activité comme aussi de sa responsabilité personnelle; en effet, si liberté enfante richesse, la richesse, comme moyen d’éducation publique, devient une garantie de moralité, et il se trouve en définitive que le degré de liberté industrielle indique assez exactement la place occupée par les peuples dans l’échelle de la civilisation.

Cette nouvelle synthèse de l’histoire, œuvre de l’économie politique, est pour ainsi dire le dernier mot de son enseignement. Il y a donc dans cette science une doctrine et une méthode. Comme philosophie sociale, ses affirmations viennent aboutir à cet axiome bien simple : liberté dans l’ordre industriel sans autre limite que la loi morale. Comme méthode, elle offre à ceux qui s’intéressent au mouvement des sociétés un recueil d’observations et des procédés d’analyse au moyen desquels ils se rendront compte de la plupart des phénomènes. Sa prétention va rarement jusqu’à indiquer le remède, mais elle aide beaucoup la sagesse de l’administrateur en lui montrant les causes du mal. Si vraiment enfin dans les évolutions historiques le secret mobile a été la revendication instinctive et confuse jusqu’ici de la liberté dans le travail, l’heure semble venue, grâce à l’économie politique, de régulariser ce mouvement, d’en amoindrir les froissemens douloureux, d’accroître pacifiquement la puissance collective des nations en même temps que le bien-être des producteurs.

De ce que l’enseignement économique présente la liberté absolue comme le bien idéal, les gens irréfléchis ou secrètement hostiles à cette doctrine pourraient croire qu’elle implique la négation de tout gouvernement, et qu’il suffirait, selon les économistes, de lais-