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nique ne lui inspirèrent aucune reconnaissance. Les journaux ioniens, affranchis par lord Seaton, attribuaient leur liberté non au libéralisme du haut-commissaire, mais à la peur qu’il avait eue, comme tant de princes de ce temps, de la révolution de 1848. Un de ces journaux disait par exemple : « Les autres lords-commissaires ne représentaient que la brutalité des Anglais ; lord Seaton a représenté à la fois la brutalité et la perfidie anglaises[1]. » Pendant que le lord haut-commissaire était remercié de cette façon de ses ré- formes, « comment, dit toujours le Quarterly Review de 1852, était traitée dans les mêmes journaux la reine d’Angleterre, qui avait bien voulu approuver toutes ces réformes ? La reine d’Angleterre était représentée d’un côté et la Grèce de l’autre sous la figure du démon tentateur et du Dieu tenté au désert, la reine Victoria demandant à la Grèce de s’incliner devant elle et de l’adorer, et la Grèce lui répondant : Retire-toi, Satan ! »

A Dieu ne plaise que nous songions un instant à excuser ces intempérances de la presse ionienne ! Il n’y a rien là, après tout, qui doive étonner les habitués de la presse anglaise ; nous voulons seulement remarquer que les réformes de lord Seaton, quelque excessives qu’elles paraissent au Quarterly Review de 1852, n’ont pas, encore un coup, changé l’état de la question. Le traité du 5 novembre 1815 n’a reconnu à l’Angleterre dans les Iles-Ioniennes que le droit de protectorat ; mais il a dit aussi (art. 3) que « les états unis des Iles-Ioniennes régleraient, avec l’approbation de la puissance protectrice, leur organisation intérieure. » C’est ce règlement d’organisation intérieure, c’est-à-dire la constitution de sir Thomas Maitland en 1817, qui a changé le protectorat anglais en souveraineté, en attribuant au gouvernement anglais le droit d’approuver ou de rejeter les lois votées par l’assemblée législative ionienne, en attribuant au lord haut-commissaire le droit de valider ou d’invalider les actes du sénat exécutif. C’est ce jour-là seulement que les Iles-Ioniennes ont abdiqué l’autonomie que le traité de 1815 leur avait conservée. Or ce qu’elles ont abdiqué par un acte de leur volonté législative, elles peuvent évidemment le reprendre par un autre acte de leur volonté législative. Elles ont pour défaire le même droit qu’elles ont eu pour faire. Elles ont réglé, avec l’approbation de la puissance protectrice, leur organisation d’une certaine manière ; elles peuvent, avec la même approbation, la régler d’une autre manière ; elles peuvent redemander leur autonomie, de même qu’elles ont pu la céder. Cependant nous ne voyons ni dans les réformes de lord Seaton, ni dans les propositions de M. Gladstone, rien qui touche à cette restauration de l’autonomie des Iles-Ioniennes. Le droit

  1. θηριωδία καὶ δολιότης.