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cien David aurait fait un chef-d’œuvre. Malheureusement la scène qui succède entre Lilia et Satan est d’une grande faiblesse et trahit la volonté du musicien, qu’on a induit en erreur sur les véritables forces de son talent.

Le troisième acte se passe tout entier en danses, en festins et en libations joyeuses. La reine Olympia, entourée de sa brillante cour, chante d’abord une hymne à la blonde déesse, dont la mélodie est sans doute gracieuse, mais un peu molle dans les contours et reproduisant des effets déjà entendus au premier acte. Les airs de ballet sont moins heureux qu’on n’avait le droit de l’attendre de M. Félicien David ; mais le chœur des bacchantes a de la couleur, et j’aime ce cri d’Évoé jeté successivement par chaque voix sur une note persistante qu’emporte un rhythme aux ondulations voluptueuses. Ce que j’aime beaucoup moins et ce qui me paraît à peu près manqué, c’est la grande scène de contraste qui résulte de l’arrivée de Lilia au milieu de la cour voluptueuse d’Olympia, où elle vient chercher son fiancé Hélios, qu’elle trouve couronné de myrte et fort décontenancé. Une lutte s’engage alors entre les deux femmes ou plutôt entre les deux religions, celle de la volupté et la religion nouvelle du Calvaire, dont Lilia proclame les hautes vérités :

Je crois au Dieu que tout le ciel révère,
Au Dieu qui tient l’infini dans sa main!


Cette profession de foi, imitée de la Pauline de Corneille, n’a inspiré au musicien qu’une déclamation morbide et sans élévation, que l’ensemble confus dans lequel il l’encadre est loin de racheter. Ce sont probablement les amis et les collaborateurs de M. Félicien David qui l’ont engagé dans cette périlleuse aventure d’aborder un sujet qui dépasse de cent coudées la nature délicate de cet aimable talent. Voilà l’influence des billevesées des saint-simoniens.

Le quatrième acte, qui se passe dans l’atrium du palais d’Olympia, que représente un magnifique décor, commence par un chœur de démons et un air de Satan, qui, sans être bien nouveau, n’est pas dépourvu de vigueur. Vient ensuite le grand duo entre Hélios et Lilia, duo d’amour et de réconciliation, qui reproduit, nous l’avons déjà remarqué, la situation inverse du quatrième acte de la Favorite, puisqu’ici c’est la femme qui pardonne. Le duo a de belles parties, surtout la phrase très mélodique et très bien venue que chante avec beaucoup d’onction M. Roger :

Auge du ciel ! oublie
Ce que la terre a fait!


J’avoue que je n’aime pas autant l’élan suprême des deux voix à l’unisson et que le public applaudit avec transport :

Divin séjour
Du pur amour,
Dieu fait éclore
Ton saint jour!


Ce cri séraphique s’élève sur un rhythme sautillant qui manque de noblesse, et qui est loin de l’admirable péroraison du duo de la Favorite.

Je crois avoir relevé avec soin toutes les parties saillantes de l’œuvre nou-