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de feu, ne s’écarte pas beaucoup du plan primitif qui avait inspiré le musicien. A vrai dire, M. Félicien David n’a eu jusqu’ici qu’une seule idée qu’on lui a préparée, comme une toile, sous différentes formes, mais à laquelle il est resté invariablement fidèle. Homme du midi, imagination colorée, âme douce et simple, plus propre à la contemplation qu’aux luttes de l’esprit et des passions, M. Félicien David a reçu des saint-simoniens, qu’il a pratiqués et qui ont protégé ses premiers pas, une sorte d’insufflation épique et cosmique où l’homme et la nature s’entremêlent et s’étreignent d’une manière assez intime. Cette idée, qui est celle du XIXe siècle, s’appelle le panthéisme en philosophie, et dans les arts elle porte le nom de pittoresque. Goethe l’a exprimée dans la poésie allemande ; Hegel en a donné la formule philosophique ; Beethoven et surtout Weber l’ont reproduite dans la symphonie et dans le drame fantastique et légendaire. C’est cette même idée, réduite à de moindres proportions, qui a inspiré à M. Félicien David le Désert, création délicieuse qui a fait sa renommée, et qu’il a reproduite, à peu de choses près, dans une espèce d’oratorio intitulé Moïse, puis dans Christophe Colomb, et même dans son opéra en trois actes, la Perle du Brésil. Je suis certain que si M. Félicien David consulte moins ce qu’il a prétendu faire que son instinct de musicien et de poète, il doit se dire au fond de l’âme : « La critique a raison. » Eh bien! la fable d’Herculanum n’est qu’un canevas grossier sous lequel on retrouve la même donnée. Écoutez plutôt.

Vers l’an 79 de l’ère chrétienne, sous le règne du divin Titus, une reine de l’Orient vint en Italie pour recevoir l’investiture de son royaume du chef de cette prétendue démocratie romaine, dont on voudrait nous faire envier le sort. On ne sait pourquoi Olympia, car tel est le nom de cette reine fatale, s’attarde si longtemps à Naples, et de quel droit elle y exerce la souveraine puissance. Son frère Nicanor, proconsul de la Grande-Grèce, l’entoure de respect et partage sa haine pour les chrétiens, qui commencent à troubler le repos légal des dieux établis. Deux de ces novateurs, Hélios et sa fiancée Lilia, sont conduits devant la reine par le peuple furieux, qui demande qu’on les immole. Non-seulement Olympia leur pardonne, mais elle s’éprend d’une belle passion pour le jeune Hélios, qui ne résiste guère, et finit par abjurer sa foi nouvelle pour les voluptés de l’ancien monde. D’un autre côté, le proconsul Nicanor éprouve un sentiment non moins impérieux et non moins imprévu pour la belle et chaste Lilia, qui ne succombe pas, elle, à la tentation de son persécuteur, car la foudre du ciel vient le frapper en pleine poitrine au moment où il croyait tenir sa proie. Il se passe à la suite de cette scène une transformation qu’on a de la peine à comprendre, même le livret à la main. Nicanor revient, comme on dit, sur l’eau ou sur la terre, mais sous la forme de Satan, ou plutôt c’est Satan lui-même qui prend la figure de feu Nicanor pour persécuter encore la pauvre Lilia, à qui il fait voir, dans une vision diabolique, son fiancé Hélios couché et chantant aux pieds d’Olympia. Je vous laisse à penser quel est le désespoir de la jeune chrétienne. Enfin, après tout un acte d’hésitation, de chants élégiaques et de voluptés faciles, que le néophyte Hélios a bien de la peine à quitter, il se décide cependant à aller retrouver sa fiancée au rendez-vous qu’elle lui a donné au commencement du premier acte. Il la retrouve, il implore son pardon, qu’elle lui accorde, et ils se réconcilient dans un élan