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UNE VIE
D’ÉMIGRÉ ITALIEN

I. Ricordo d’una Vita italiana, scritto da Massimo d’Azeglio. — II. Diario dell’Assedio di Nararino, memorie di Giacinto Collegno. — III. Diario di un Viaggio in Spugna nel 1823, etc.



Les annales entières de l’Italie sont attristées et assombries par les proscriptions. Sans remonter, comme le digne comte Balbo, jusqu’à Coriolan et à Camille, depuis que Dante, avec la sublime amertume de son génie, a décrit cette poignante douleur de quitter ce qu’on aime le plus, — tu lascerai ogni rosa diletta, — de manger le pain d’autrui et de gravir l’escalier de la maison étrangère, que de générations de bannis se sont succédé! L’exil est une sorte de tradition nationale au-delà des Alpes; l’expatriation volontaire ou forcée est un élément de la politique. Ce qui n’est en d’autres pays qu’un fait exceptionnel et douloureux apparaît comme une fatalité normale et permanente en Italie. Dans ce siècle même, il y a déjà plusieurs générations de proscrits. Chaque révolution, chaque mouvement imperceptible produit, pour ainsi dire, son alluvion d’émigration qui se répand de toutes parts, et ajoute à cette masse flottante de bannis dispersés dans le monde. Les gouvernemens croient travailler à leur propre tranquillité par ces épurations périodiques, en rejetant hors de la patrie natale des hommes qu’ils redoutent, dont ils suspectent la fidélité ou l’opinion; ils ne font que déplacer le péril.. Ils ouvrent de nouvelles blessures et suscitent des haines irréconciliables. Ils avaient des mécontens peut-être inoffensifs, et ces mécontens, aigris, irrités, deviennent des soldats de tous les