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au milieu des arbres tombés sous la hache et à côté du long et sombre pénitentiaire, il y a une exploitation de charbon de terre. C’est là que se trouve le puits qui, avant la découverte des couches houillères de Fingal, alimentait seul la colonie. Il a 140 mètres de profondeur; le nombre des convicts qu’on y emploie est considérable; cependant les évasions sont rares à cause de la difficulté de vivre dans les bois, et surtout grâce à des précautions multipliées. On trouve à Port-Arthur deux établissemens distincts : celui des hommes et celui des enfans. Celui-ci est bâti à une extrémité de la péninsule que l’on nomme Point-Puer; il consiste en une série de baraques en bois, complètement isolées et gardées par une ligne de constables. Cinq cents enfans de douze à dix-huit ans y sont employés dans de nombreux ateliers à des travaux de menuiserie, de charpentage, de chaussure, etc.; ils travaillent en silence sous la direction de constables qui se promènent dans les salles, le fouet à la main. Quelques-uns d’entre eux deviennent, dit-on, de très bons ouvriers; mais le ministre chargé de leur éducation morale se plaint de n’obtenir auprès d’eux que bien peu de succès.

Dans le pénitentiaire des hommes, il y a de sept à huit cents misérables, la lie des bandits de l’Angleterre, ayant subi, pour la plupart, des séries de condamnations au-delà desquelles il n’y a plus que la mort; aussi ne leur épargne-t-on pas les corrections. Un officier de notre marine, M. Demas, qui a été retenu en Tasmanie par une longue convalescence et dont le journal abonde en détails intéressans sur Port-Arthur, vit un jour fouetter un de ces misérables. « Je me trouvais par hasard, dit-il, dans la cour de la prison au moment où on allait fustiger un convict que l’on venait de reprendre dans les bois après une évasion de plusieurs jours; il était condamné à recevoir quatre-vingt-dix coups sur les reins. L’exécuteur, armé du terrible cat, fouet à neuf branches grosses comme des lignes d’amarrage, frappait à tour de bras; chaque branche laissait sur les chairs un sanglant sillon. Je n’eus pas le courage de supporter cet affreux spectacle : cet homme endurait son supplice sans pousser un cri; seulement à chaque coup tout son corps se tordait, et les muscles de sa figure se contractaient d’une manière hideuse. »

Les évasions sont extrêmement rares; à Port-Arthur cependant, un jour six détenus se saisirent d’une bai-que et disparurent; on n’en a jamais entendu reparler, il est probable qu’ils ont chaviré en pleine mer. D’autres parvenaient à s’enfuir dans les bois; mais ils y menaient une vie si misérable, que le plus souvent il leur fallait revenir. Deux ou trois néanmoins, surmontant tous les obstacles, se sont faits les chefs de ces bandes déprédatrices qui ravageaient l’île au temps de la dernière guerre contre les indigènes. Pour sor-